Brazzaville prépare son prochain rendez-vous à Pékin
Annoncée pour les 3 au 5 septembre, la visite officielle du président Denis Sassou-Nguesso à Pékin intervient à l’invitation personnelle du président Xi Jinping. L’agenda, encore discret, devrait conjuguer entretiens bilatéraux, signatures d’accords et mise au point du programme sino-congolais pour les quatre prochaines années, dans un contexte régional très scruté.
Il s’agira du troisième déplacement présidentiel en Chine depuis que Brazzaville a assumé, en 2023, la coprésidence du Forum sur la coopération sino-africaine. Cette fréquence illustre le rôle que le Congo entend jouer jusqu’en 2027, date de remise du flambeau à un futur partenaire africain encore non désigné.
Pékin-Brazzaville : un axe stratégique multiforme
Dans le paysage économique congolais, la Chine occupe désormais une position nodale. Premier partenaire commercial, avec près de six milliards de dollars d’échanges annuels, l’empire du Milieu conditionne l’équilibre externe d’un pays dont 80 % des recettes d’exportation proviennent toujours des hydrocarbures et des services liés aux secteurs extractifs.
La présence pétrolière de Wing Wah, filiale du groupe Southernpec, matérialise cette interconnexion depuis 2015. L’entreprise opère des champs offshore et envisage, via le projet Banga Kayo, de récupérer trente milliards de mètres cubes de gaz auparavant torchés, renforçant la stratégie nationale de transition énergétique graduelle et territorialement inclusive future.
Depuis la création du Focac en 2000, Pékin a multiplié les partenariats sur le continent. L’adhésion congolaise aux Nouvelles Routes de la Soie, actée en 2016, a accéléré ce mouvement, alliant financements concessionnels, expertise technique et transferts logistiques dans la modernisation des corridors intérieurs et maritimes régionaux stratégiques.
Le poids financier et la gouvernance des projets
Si 25 % de la dette extérieure congolaise est aujourd’hui détenue par des créanciers chinois, les autorités soulignent la viabilité de l’encours au regard des perspectives pétro-gazières. Le ministère des Finances travaille cependant à un rééchelonnement visant à dégager des marges pour les dépenses sociales et infrastructures structurantes prioritaires.
Jean-Jacques Bouya, ministre de l’Administration du territoire, suit personnellement la mise en œuvre des contrats d’infrastructures sino-congolais. « Notre responsabilité est d’optimiser chaque projet pour qu’il génère un effet multiplicateur sur l’emploi national », déclarait-il récemment à Brazzaville, rappelant la nécessité d’un contrôle parlementaire plus systématique et transparent dans la durée.
Son homologue à la Coopération internationale, Denis-Christel Sassou-Nguesso, insiste pour sa part sur la dimension industrielle. Selon lui, « la valeur ajoutée doit progressivement être captée localement, du champ pétrolier à la chaîne du polyester », ambition qui s’inscrit dans l’agenda de diversification voulu par le Plan national de développement.
Diversifier vers l’agro-tech et la sécurité
Au-delà des hydrocarbures, Pékin propose une coopération agricole articulée autour de la mécanisation, des semences améliorées et de la gestion hydrique. Les autorités congolaises espèrent ainsi réduire la facture d’importation alimentaire, estimée à près de huit cents millions de dollars, tout en stabilisant les zones rurales les emplois.
En juillet, un séminaire dans la province de Shanxi a réuni cinquante experts africains et chinois pour évaluer les solutions numériques appliquées aux plantations. Le Congo était représenté par Steven Lumière Moussala, conseiller du Premier ministre, qui a plaidé pour un transfert accéléré de drones et de capteurs intelligents agricoles.
Les discussions actuelles portent également sur la création d’un incubateur conjoint à Oyo, destiné aux start-ups congolaises spécialisées dans la chaîne de valeur du manioc. Selon une source diplomatique, l’objectif est d’associer capital chinois et innovation locale pour aligner sécurité alimentaire et création de richesses à long terme.
La coopération sécuritaire, enfin, gagne en visibilité depuis les programmes de formation d’officiers congolais à Nanjing. Bien que limitée, cette composante illustre la volonté de Pékin de participer à la stabilité régionale, notamment dans le Golfe de Guinée où la piraterie préoccupe les partenaires énergétiques et maritimes locaux.
Sommet 2025 : horizon et attentes partagées
Brazzaville accueillera le sommet Afrique-Chine en 2025, occasion symbolique pour afficher les résultats des chantiers lancés cette année. Le comité d’organisation, coprésidé par la nouvelle ambassadrice An Qing et le ministre des Affaires étrangères congolais, finalise déjà le dispositif logistique et protocolaire en coordination avec l’Union africaine et Pékin.
Les infrastructures ferroviaires Mayumba-Brazzaville, l’extension du port de Pointe-Noire et la modernisation de l’aéroport d’Ollombo constituent les projets phares susceptibles d’être présentés comme livrables avant le sommet. Selon un conseiller technique, leur état d’avancement sera un test de crédibilité pour tous les partenaires impliqués publics et privés étrangers.
Pour la jeunesse congolaise, les attentes portent autant sur l’emploi que sur la formation. Des bourses destinées aux filières numériques et énergétiques sont actuellement négociées. Elles s’ajouteraient aux plus de huit cents étudiants congolais déjà inscrits en Chine, formant un pont académique fertile entre les deux capitales durables.
À l’approche de septembre, diplomates et analystes convergent sur un point : la visite présidentielle devrait consolider un partenariat devenu indispensable, tout en ouvrant des marges de manœuvre nouvelles dans l’agriculture, l’innovation et la sécurité. Reste à transformer l’élan politique en projets tangibles pour la population de tout pays.
