Un partenariat à l’épreuve de la réalité électorale
Depuis 1996, l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès occupe une place singulière dans l’architecture politique camerounaise : alliée officielle du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), elle a accepté de siéger dans des gouvernements successifs tout en revendiquant une identité propre. Cette coexistence, longtemps décrite comme « cohabitation vertueuse » par certains diplomates de la sous-région, se fissure aujourd’hui sous le poids du calendrier électoral. À l’approche de la présidentielle d’octobre 2025, les urgences de campagne rendent la logique d’alliance moins évidente qu’au lendemain des élections de 2018, où la loyauté avait permis au chef de l’État de consolider sa majorité parlementaire.
Les signaux d’alerte venus de la base militante
Dans les chefs-lieux du Nord et de l’Adamaoua, les responsables de section rapportent, depuis plusieurs mois, un mécontentement latent. Les scores déclinants observés lors des législatives 2020 ont nourri l’idée que l’ancrage gouvernemental coûte plus qu’il ne rapporte sur le terrain. « Nous ne pouvons plus expliquer à nos sympathisants que nous sommes la voix des oubliés si, à Yaoundé, nous votons toutes les lois sans broncher », confiait récemment un cadre du parti, sous couvert d’anonymat. À Garoua, des réunions de quartier ont même évoqué la création d’un front citoyen si l’UNDP prolongeait son pacte avec le RDPC, signe que la défiance a cessé d’être silencieuse.
Pressions croisées et enjeux de stabilité institutionnelle
Pour le Palais d’Etoudi, la perspective de perdre un allié stratégique à moins de dix-huit mois du scrutin comporte un risque double : affaiblir l’image de rassemblement voulue par le président Paul Biya et fournir à l’opposition structurée, représentée notamment par Maurice Kamto ou Cabral Libii, un récit de décrédibilisation du camp présidentiel. Des émissaires officiels ont donc intensifié, ces derniers jours, les consultations informelles avec le président national de l’UNDP, Bello Bouba Maïgari, afin de rappeler « l’esprit de responsabilité partagé » qui prévaut selon eux depuis près de trois décennies. De sources diplomatiques concordantes, ces discussions se déroulent dans un climat « cordial mais ferme », chaque partie mesurant que le moindre mot dissonant pourrait enflammer les réseaux sociaux déjà saturés de rumeurs.
Le Nord-Cameroun en quête d’une nouvelle représentation
Au-delà des manœuvres de Yaoundé, la question de la représentation régionale demeure la pierre angulaire de l’équation. Le Nord-Cameroun concentre plus d’un quart de l’électorat national, mais ses infrastructures et ses indicateurs socio-économiques restent fragiles. L’UNDP avait bâti son succès originel sur la promesse d’un développement équilibré ; or, selon plusieurs rapports d’ONG locales, la pauvreté rurale y dépasse toujours 50 %. Dans ce contexte, rompre l’alliance avec le RDPC pourrait être interprété comme le signal d’un retour à une défense plus offensive des intérêts septentrionaux, même si le recentrage exposerait le parti à la compétition directe d’autres formations régionales telles que le FSNC d’Issa Tchiroma.
Scénarios post-Yaoundé pour la présidentielle de 2025
Si, à l’issue de la réunion du 28 juin, Bello Bouba Maïgari devait annoncer sa candidature, le paysage politique se trouverait instantanément reconfiguré. Une candidature autonome contraindrait le RDPC à repenser son implantation dans plusieurs départements septentrionaux et pourrait imposer des ajustements budgétaires pour répondre aux griefs sociaux mis en avant par l’UNDP. Inversement, un maintien de l’alliance, fût-il assorti d’un accord de soutien tacite, consoliderait la majorité présidentielle mais laisserait la base militante dans une posture potentiellement frondeuse. Les chancelleries occidentales, qui observent de près la montée des tensions dans le Golfe de Guinée, estiment qu’une recomposition contrôlée de l’opposition serait préférable à une rupture brutale. Reste à savoir si les acteurs camerounais feront le pari de la patience stratégique ou celui de la reconfiguration immédiate.