Un fonds stratégique de 25 milliards FCFA
On 16 août 2025, la présidence gabonaise a rappelé l’existence d’un fonds public de 25 milliards FCFA destiné à catalyser l’initiative privée des jeunes.
Logé à la Banque pour le commerce et l’entrepreneuriat du Gabon, le dispositif témoigne d’une volonté politique d’aligner les outils financiers sur les impératifs de diversification économique prônés par Libreville.
Les autorités fixent un plafond individuel de 50 millions FCFA, afin de soutenir à la fois les micro-entreprises agricoles et les jeunes pousses technologiques émergentes dans l’écosystème numérique national.
Instrument de politique publique, le fonds s’inscrit dans la feuille de route Gabon Émergent révisée, articulant inclusion sociale, valorisation des chaînes de valeur locales et réduction du chômage des 15-35 ans.
Des conditions de crédit inédites
Le taux d’intérêt fixé à 5 % tranche nettement avec les coûts usuels du marché gabonais, où les crédits aux PME dépassent fréquemment 10 %, selon l’Association professionnelle des établissements de crédit.
Les demandes sont examinées par un comité mixte regroupant la banque, l’Agence nationale de promotion des investissements et le ministère de la Jeunesse, ce qui tamise le risque sans alourdir la procédure.
Au-delà du volet financier, un accompagnement technique est prévu : formation accélérée en gestion, accès à des incubateurs et mentorat par des entrepreneurs établis, afin d’augmenter le taux de survie des projets.
Pour la banque, la prudence demeure : un fonds de garantie public couvrira jusqu’à 60 % du principal en cas de défaut, limitant l’exposition du secteur financier privé.
Appel présidentiel à l’audace entrepreneuriale
Dans son message d’indépendance, le président Brice Clothaire Oligui Nguema a déploré « la faible mobilisation des jeunes » et exhorté « à sortir de la passivité » pour convertir les 25 milliards disponibles en emplois durables.
Ce discours résonne avec les conclusions d’une enquête de l’Institut gabonais de statistiques indiquant que 38 % des jeunes citent le manque d’information financière comme frein principal à la création d’entreprise.
Plusieurs organisations de jeunesse, dont le Mouvement des start-up du Gabon, saluent l’interpellation présidentielle mais réclament des campagnes de sensibilisation plus ciblées dans les zones rurales où l’économie informelle demeure majoritaire.
Le cabinet du ministre de la Promotion des investissements signale qu’un « roadshow national » devrait démarrer dès le quatrième trimestre 2025 afin de rapprocher la banque et les clusters universitaires.
Un contexte économique en mutation protectionniste
Quelques jours avant le discours, le Conseil des ministres a acté une série de mesures réservant certains métiers du secteur informel aux seuls nationaux, comme la coiffure de rue ou la réparation de téléphones.
Libreville justifie cette orientation par « la nécessité de sécuriser l’espace entrepreneurial des jeunes et des femmes », tout en annonçant une période transitoire pour les opérateurs étrangers déjà installés.
Les économistes interrogés estiment que la stratégie protectionniste pourrait augmenter la demande pour le fonds, en dirigeant vers l’économie formelle des acteurs jusqu’ici cantonnés à des activités marginales.
Le professeur Martial Ndong de l’Université de Port-Gentil note cependant que « la transition devra être calibrée pour éviter des tensions sociales et maintenir le coût de la vie sous contrôle ».
Opportunités et défis pour la jeunesse
Le Gabon compte près de 400 000 jeunes en âge d’activité, dont plus de la moitié sont touchés par le sous-emploi, selon la Banque mondiale, d’où l’importance stratégique d’un tel levier financier.
Le potentiel agricole, forestier et numérique du pays offre un terreau fertile ; la transformation du manioc, l’agroforesterie durable et les services cloud figurent parmi les segments identifiés comme prioritaires par l’Agence des investissements.
Certains obstacles persistent : lourdeur administrative, coûts de raccordement à l’énergie et accès limité aux données de marché. Le gouvernement promet une plateforme numérique unifiée pour réduire les démarches à dix jours ouvrables.
La Chambre de commerce franco-gabonaise observe que la diaspora pourrait jouer un rôle de catalyseur, en apportant capital patient et expertise sectorielle, à condition de sécuriser la gouvernance des start-up locales.
Des universitaires proposent d’introduire un module obligatoire d’entrepreneuriat dans les programmes secondaires, arguant que la culture du risque doit être inculquée tôt pour transformer l’ambition en projets bancables.
L’UNESCO étudie déjà un partenariat pilote avec Libreville pour ce curriculum.
Perspectives régionales et enseignements
Le modèle gabonais s’inscrit dans une vague panafricaine de fonds souverains dédiés à la jeunesse, du FONIJIF ivoirien au KYEOP kényan, avec une particularité : un taux d’intérêt strictement inférieur aux benchmarks régionaux.
Les partenaires multilatéraux, Banque africaine de développement en tête, surveillent les résultats pour décider d’éventuels appuis budgétaires, ce qui pourrait renforcer la crédibilité du programme gabonais sur les marchés internationaux.
Si la mobilisation reste faible, une réallocation vers des bourses de formation technique est envisagée, confirme une source au ministère de l’Économie, démontrant la flexibilité adoptée par l’exécutif.
À terme, Libreville espère bâtir un vivier entrepreneurial capable de s’intégrer au futur marché commun de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, dont le Gabon entend rester un moteur.
