Un corridor énergétique continental
La connexion de 500 kilomètres reliant Pointe-Noire à Brazzaville structuré en 220 kilovolts forme le squelette énergétique du Congo-Brazzaville, articulant capitale politique et port atlantique. Sa réhabilitation engage l’État dans une modernisation attendue depuis quatre décennies, période marquée par la hausse constante des besoins nationaux.
En août, le ministre de l’Énergie Émile Ouosso a lancé les opérations à Loudima, remettant un conducteur au directeur général d’Eni Congo, Andrea Barberi, et confirmant le rôle central de l’entreprise dans ce chantier stratégique (Agence Congolaise d’Information, 28 août).
Partenariat public-privé exemplaire
Fruit d’un partenariat où l’État détient 80 % et Eni 20 %, la Centrale électrique du Congo fournit plus de 70 % de la production nationale à travers trois turbines à gaz dont la fiabilité dépasse 98 %. Cette coopération sert aujourd’hui de modèle pour le réseau transport.
Pour M. Barberi, l’énergie ne doit pas seulement alimenter l’industrie, elle doit « éclairer l’avenir de la jeunesse » et consolider l’emploi, réaffirmant la dimension inclusive voulue par Brazzaville. Les autorités soulignent l’importance d’un partenaire capable de financer, d’exécuter et de transférer le savoir-faire dans la durée.
Cette logique coopérative correspond également à la politique de diversification économique promue par le président Denis Sassou Nguesso, laquelle vise à réduire la dépendance aux hydrocarbures en renforçant les infrastructures susceptibles de générer un tissu industriel élargi et compétitif dans les treize départements congolais.
Ingénierie et calendrier des travaux
Le programme englobe la rénovation de six postes majeurs : Mindouli, Loudima, M’Bondji, Mongo-Nkamba II, Mongo-Nkamba I et Ngoyo. Des compensateurs statiques seront installés à Loudima et Mindouli afin de stabiliser la tension, tandis qu’un système de surveillance en ligne sécurisera l’ensemble du tracé.
Les ingénieurs estiment que les pertes, plus de cent mégawatts entre la CeC et la capitale, seront divisées par deux après la pose des nouveaux conducteurs. Cuivre optimisé, alliage anticorrosion et renforcement des pylônes sont les leviers essentiels de ce gain.
Eni Congo indique avoir mobilisé des équipes bilingues, capables d’articuler les normes IEC et les référentiels de la Communauté économique des États d’Afrique centrale, afin de simplifier les futures interconnexions régionales. La planification prévoit un achèvement progressif d’ici vingt-quatre mois, sous supervision permanente du ministère.
Retombées économiques et sociales
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, la réhabilitation est attendue par les zones industrielles, notamment Maloukou et Vitongo, où les usines tournent encore au diesel. La disponibilité d’une tension stable réduira les coûts énergétiques, améliorant ainsi la compétitivité des entreprises locales face aux marchés voisins.
Les ménages ressentiront aussi l’impact. Le gouvernement vise une chute des coupures qui freinent l’information et l’éducation numérique. Selon la Banque mondiale, chaque cent mégawatts fiables peut ajouter 0,5 % au produit intérieur brut de la sous-région.
Sur le plan social, les autorités entendent valoriser la main-d’œuvre locale : 60 % des quelque trois cents emplois prévus seront réservés aux techniciens congolais. Un programme de certification, supervisé par l’Institut national de l’énergie, permettra d’acquérir des compétences directement transférables aux futurs projets hydrauliques et solaires.
Sécurité énergétique et diplomatie régionale
Renforcer le corridor électrique national constitue aussi un signal diplomatique. La République du Congo envisage de partager son excédent futur avec la République centrafricaine et le Gabon, conformément au protocole d’échanges signé sous l’égide de la Communauté économique des États d’Afrique centrale en 2022.
Les observateurs voient dans la coordination avec Libreville une opportunité de stabiliser les réseaux interconnectés et de réduire la dépendance saisonnière à l’hydraulique. Elle s’inscrit également dans la vision portée par Denis Sassou Nguesso lors du Sommet africain sur le climat, faisant de l’électricité un catalyseur d’intégration.
Dans un contexte où les marchés européens accélèrent la transition énergétique, disposer d’un réseau robuste permet aussi d’attirer des investisseurs cherchant à verdir leur chaîne d’approvisionnement. Brazzaville espère ainsi renforcer sa crédibilité lors des négociations internationales sur la finance carbone et la coopération technologique.
Perspectives de modernisation continue
Grâce à la réhabilitation du tronçon Pointe-Noire-Brazzaville, le ministère projette déjà d’étendre la ligne vers Ouesso au nord, supporté par le futur barrage de Sounda. Le schéma directeur prévoit d’atteindre trois mille mégawatts installés avant 2030, contre un peu plus de six cents actuellement.
Cette stratégie à long terme exige un cadre réglementaire attractif. Le Parlement examine une réforme offrant un guichet unique aux producteurs indépendants et des incitations fiscales pour l’importation d’équipements performants, initiative déjà saluée par la Chambre de commerce.
À court terme, la priorité reste la sécurisation du chantier. Des patrouilles mixtes armée-gendarmerie ont été déployées pour prévenir le vandalisme sur les câbles, tandis que l’Agence nationale de l’environnement assure le suivi de l’emprise afin de limiter les coupes illicites dans les forêts traversées.
En synchronisant investissement, expertise et vision, Brazzaville fait d’un projet technique un levier de transformation nationale. La réhabilitation du réseau 220 kV symbolise un pas supplémentaire vers une souveraineté énergétique capable d’accompagner l’industrialisation, d’alimenter les ambitions régionales et de garantir aux citoyens un service durable.