Ce qu’il faut retenir
Le complexe hydroélectrique d’Imboulou, inauguré en 2010, n’aligne plus qu’une turbine sur quatre. Les équipes d’Énergie électrique du Congo et leurs partenaires chinois et algériens s’organisent pour une révision générale. Objectif : restaurer à court terme 90 MW et protéger un investissement structurant.
Imboulou, un atout stratégique pour le mix congolais
Conçu pour injecter 120 MW dans le réseau national, Imboulou assure, à lui seul, près d’un tiers de la production du corridor Centre-Sud. Son arrêt prolongé accentuerait la pression sur la centrale du Moukoukoulou et les groupes diesel coûteux, alors que la demande urbaine croît de 6 % l’an.
Contexte technique : quinze ans d’exploitation intense
La mission conduite le 29 septembre par Frédéric Manienze a constaté le démontage complet de la turbine n°2, un alternateur posé à même l’atelier et un béton affaissé par l’infiltration d’eau. Les équipes d’AITPC injectent de la résine pour stabiliser les fondations avant l’arrivée des experts du constructeur Harbin Electric.
Diagnostic des turbines en panne
La turbine n°3 souffre d’une usure des paliers, la n°4 d’un défaut de régulation hydraulique. Les stocks de pièces critiques, constitués lors de la mise en service, sont épuisés. Les nouvelles commandes, lancées dès juillet, arriveront par conteneurs à Pointe-Noire avant d’être acheminées par route vers le site.
La seule turbine encore active
Le groupe n°1 tourne à charge partielle depuis deux jours après une alerte vibration. Les ingénieurs d’E²C ajustent quotidiennement les paramètres pour limiter l’échauffement. « Nous ne disposons plus d’effet de redondance ; chaque mégawatt délivré compte », prévient Armel Itoua Ibara Mbimbi.
Enjeux financiers et trésorerie de l’opérateur
Selon l’Inspection générale des services de l’énergie, le schéma de maintenance initial reposait sur un fonds de roulement alimenté par la vente d’électricité. Les retards de paiement publics, estimés à plus de 20 milliards FCFA, ont ralenti les interventions lourdes programmées pour 2022-2023.
L’Assemblée nationale en première ligne
Présent sur le terrain, le député Marien Mobondzo-Endzonga voit dans cette visite un levier pour calibrer le prochain budget. « Nous avons vu la réalité. Un appui budgétaire ciblé permettra de résoudre la trésorerie et d’accélérer les réparations », confie-t-il, plaidant pour « un règlement rapide des factures de l’État ».
Partenariat technique : rôle clé de Fomico et Harbin
Fomico encadre le démontage, tandis que Harbin Electric validera l’état des rotor-stator et définira la liste précise des pièces à changer. Hakim Boureghda table sur « vingt jours d’intervention continue » pour remonter la turbine n°2, sous réserve de la disponibilité des pièces d’usure.
Coûts et délais estimés
Réhabiliter la turbine n°2 nécessite environ 1,8 milliard FCFA. Réviser les groupes n°3 et n°4 devrait mobiliser 2,5 milliards supplémentaires. Un programme d’investissement sur trois ans, adossé à des financements concessionnels, est en cours de finalisation auprès du Trésor et de partenaires multilatéraux.
Scénarios de remise à niveau
Option 1 : restauration des trois turbines d’ici juin prochain pour atteindre 90 MW. Option 2 : réfection intégrale, incluant la modernisation des systèmes de contrôle, afin de garantir le plein régime de 120 MW en 2026. Les deux scénarios s’accompagnent d’un plan de formation du personnel.
Le point juridique et normatif
Le contrat d’exploitation signé en 2010 impose à E²C un audit décennal. Cet audit, repoussé en 2020 pour cause de pandémie, sera mené en parallèle des travaux. Il devra valider la conformité IEC des protections et recommander des améliorations en cybersécurité industrielle.
Impact socio-économique immédiat
Chaque mégawatt perdu à Imboulou oblige la compagnie à recourir à du fuel importé, renchérissant le kilowattheure de près de 40 %. Pour les petites et moyennes entreprises de Brazzaville, la tension actuelle se traduit par des délestages ciblés et une hausse de l’usage des groupes électrogènes.
Gestion environnementale sous surveillance
Les écologues du ministère de l’Environnement suivent le chantier, car le remblai de la turbine n°2 implique un pompage temporaire du bassin de compensation. Les équipes respectent un protocole de déviation de poissons migrateurs et de contrôle de la turbidité, conforme aux engagements climatiques du Congo.
Rôle du personnel local
Lydie Oboa salue « la maîtrise croissante des ingénieurs congolais ». Plus de 60 % des techniciens sur site sont nationaux, un gain de compétences qui réduit la dépendance aux expatriés et favorise un transfert durable de savoir-faire.
Et après ? Vers une gouvernance renforcée des barrages
Le ministère de l’Énergie finalise un schéma directeur de maintenance partagé entre Imboulou, Moukoukoulou et Liouesso. Il prévoit la mutualisation des stocks de pièces, un système de gestion informatisé et un reporting trimestriel au Parlement. Le modèle pourrait servir de référence pour d’autres infrastructures hydrauliques.
Perspectives d’intégration sous-régionale
La réhabilitation d’Imboulou coïncide avec la montée en puissance du marché électrique de la CEMAC. À terme, le barrage pourrait exporter jusqu’à 30 MW vers le Gabon ou la RCA, contribuant à l’équilibre commercial d’E²C et à la sécurité énergétique régionale tout en valorisant le potentiel hydroélectrique national.
Mobilisation collective
« La continuité de service est une affaire d’équipe », résume Hervé Léonard Obambi Mouana Mhoreau. En associant opérateur, Parlement, partenaires techniques et usagers, les autorités entendent transformer une alerte en opportunité d’amélioration profonde, fidèle à l’ambition du Congo d’émerger comme hub énergétique durable.