Ce qu’il faut retenir de la session de Yaoundé
Réunie à Yaoundé, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale a officialisé un renforcement décisif de sa trésorerie. Le dégel de son compte courant par la BEAC, couplé à de nouveaux engagements de partenaires techniques et financiers, change l’échelle de son intervention dans les six pays de la CEMAC.
BEAC : le robinet de liquidités se rouvre
La Banque des États de l’Afrique centrale a débloqué le compte courant d’associés de la BDEAC, longtemps contraint par des exigences prudentielles. Ce geste, salué par les administrateurs, augmente immédiatement la marge de manœuvre de l’institution, qui peut réallouer ces fonds à des prêts déjà au pipeline.
Afflux de bailleurs internationaux
En parallèle, la Banque a sécurisé des ressources additionnelles auprès d’agences de développement et de banques multilatérales. D’après Dieudonné Evou Mekou, ces négociations « ouvrent la porte à des lignes de crédit dédiées aux infrastructures vertes et à l’inclusion financière », deux priorités régionales affichées depuis le sommet de Brazzaville de 2022.
Une gouvernance interne modernisée
Les administrateurs ont adopté la nouvelle Charte d’audit interne. Ce document harmonise les procédures avec les standards de la Banque mondiale et de la BAD, renforce la traçabilité des décisions et limite les risques opérationnels. « Nous gagnons en crédibilité auprès des marchés », a expliqué Louis-Paul Motaze en clôture.
Le texte met l’accent sur la conformité ESG et la lutte contre le blanchiment. Il intègre un suivi trimestriel automatisé des projets, une première pour une institution financière de la sous-région, selon le département Risques.
Zoom sur les retombées pour le Congo-Brazzaville
Pour Brazzaville, cette nouvelle capacité se traduit par l’accélération de trois dossiers phares : la modernisation du corridor routier Pointe-Noire-Ouesso, l’extension du réseau électrique Nord-Sud et la mise à niveau des zones industrielles d’Ignié. Le ministère congolais de l’Économie évoque un « levier essentiel pour la diversification ».
Selon une source interne, la BDEAC envisage d’y consacrer près de 200 millions d’euros sur les deux prochaines années, combinant prêts concessionnels et co-financements privés.
Impact macroéconomique pour la sous-région
Les simulations de la direction des Études montrent qu’un décaissement supplémentaire de 500 millions d’euros pourrait ajouter 0,4 point de croissance annuelle au PIB cumulé de la CEMAC sur 2024-2026. Les secteurs transport, énergie et agro-industrie concentreraient 70 % des retombées.
Les PME devraient bénéficier de programmes de garantie couvrant jusqu’à 60 % des prêts bancaires. Cette approche complète les récentes réformes du climat des affaires défendues par les gouvernements, dont celui du Congo.
Le point juridique/éco
La révision de la Charte d’audit ancre la BDEAC dans un cadre conforme aux normes IFRS et ISO 37001 sur l’anti-corruption. Pour les États, le mouvement réduit le coût d’emprunt de près de 30 points de base sur les guichets concessionnels, un avantage non négligeable au regard des tensions budgétaires.
Scénarios à l’horizon 2025
Scénario de base : la Banque mobilise la totalité des engagements promis, portant son portefeuille actif à 2,5 milliards d’euros. Les projets routiers et énergétiques avancent dans les délais, tirés par la stabilité macroéconomique et la hausse des matières premières.
Scénario optimiste : un syndicat bancaire asiatique rejoint le tour de table et double presque la capacité de prêt. Les États réalisent leurs contreparties et la BDEAC émet son premier green bond régional, attirant la diaspora.
Scénario prudentiel : des retards administratifs freinent les décaissements et l’inflation importée réduit les marges des entreprises. La charte d’audit limite néanmoins les risques de dérapage, préservant la note de crédit.
Et après ? Les chantiers prioritaires
Les administrateurs ont mandaté la direction pour finaliser, d’ici décembre, une plateforme numérique de suivi de projet accessible aux ministères et au public. La transparence devrait rassurer investisseurs et populations.
Un accent particulier sera mis sur l’intégration du secteur privé. Des facilities dédiées aux start-ups congolaises du numérique sont envisagées, en phase avec la stratégie nationale de transformation digitale soutenue par le président Denis Sassou Nguesso.
Enfin, la Banque prépare un indice trimestriel de développement sous-régional qui mesurera l’impact direct de chaque financement sur l’emploi et le climat. Un outil appelé à guider politiques publiques et business plans.