Une délégation en quête de synergies financières
Placée sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, la mission conduite les 7 et 8 juillet 2025 par M. Thierno-Habib Hann s’inscrit clairement dans le registre de la diplomatie économique. L’agenda officiel comportait des entretiens élargis aux ministres des Finances, de l’Aménagement du territoire et de la Construction, ainsi qu’aux dirigeants de la Banque des États de l’Afrique centrale. D’emblée, la tonalité a été donnée : il ne s’agissait pas seulement d’une visite de courtoisie, mais d’un exercice de convergence entre les besoins structurels du marché congolais et la doctrine d’investissement de Shelter Afrique.
Shelter Afrique, catalyseur continental du logement accessible
Née en 1982 sous l’égide de la Banque africaine de développement, Shelter Afrique rassemble aujourd’hui plus de quarante-cinq actionnaires étatiques et s’est imposée comme l’unique institution panafricaine exclusivement dédiée au financement du logement. Son portefeuille de 1,3 milliard de dollars se déploie à travers des instruments diversifiés – prêts à long terme, lignes de crédit pour promoteurs, prises de participation – qui conjuguent stabilité financière et sensibilité sociale. Pour Brazzaville, attirer ce capital patient représente un signal fort envoyé à la fois aux marchés et aux partenaires multilatéraux.
Le logement social au cœur de la feuille de route congolaise
Le gouvernement congolais a fait du logement abordable l’un des piliers de sa stratégie de développement 2022-2026. Face à une croissance urbaine estimée à 3,4 % par an (Institut national de la statistique, 2024), l’offre disponible ne couvre qu’une fraction des 25 000 unités supplémentaires requises chaque année. La création, en 2023, du Fonds national pour l’habitat a posé les jalons d’un écosystème qui privilégie la mixité sociale et la résilience environnementale. La venue de Shelter Afrique renforce cette architecture en apportant un savoir-faire régional et des guichets de financement adaptés aux réalités du terrain.
Entretien tripartite : État, banque de développement et secteur privé
Au palais du peuple, un échange trilatéral a réuni le directeur général de Shelter Afrique, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso et les représentants de la Fédération des promoteurs immobiliers. Les discussions ont porté sur un pipeline initial de projets évalué à 180 millions de dollars, incluant un programme de 5 000 unités à Kintélé et l’extension de la zone économique spéciale de Maloukou destinée aux matériaux de construction. « Nous sommes prêts à mobiliser les lignes de crédit dès que la structuration juridique sera finalisée », a déclaré M. Hann, qualifiant le Congo de « marché test » pour de nouveaux produits financiers indexés sur la performance énergétique des bâtiments.
Effet d’entraînement régional et intégration CEEAC
Au-delà des frontières congolaises, la présence de Shelter Afrique est perçue comme un levier de coopération dans l’espace CEEAC. Libreville et Yaoundé, déjà actionnaires historiques, ont exprimé leur intérêt pour une mutualisation des garanties souveraines afin de réduire le coût du capital sur les marchés internationaux. Brazzaville, forte de son rôle de capitale politique de la communauté, pourrait orchestrer cette convergence et renforcer sa position de plateforme financière émergente d’Afrique centrale.
Des défis persistants mais une fenêtre d’opportunité
Les discussions n’ont pas éludé les obstacles : bancarisation encore limitée, cadastre perfectible et volatilité des prix des matériaux. Toutefois, la séquence actuelle de stabilisation macroéconomique consécutive à l’accord conclu avec le FMI en 2023 ouvre une fenêtre inédite. Les autorités ont réitéré leur engagement à simplifier la délivrance des titres fonciers et à mettre en place un mécanisme de garantie partielle des prêts afin de sécuriser les investisseurs. Autant de gages qui renforcent la crédibilité de la place congolaise.
Vers un agenda 2025-2030 axé sur la ville durable
À l’issue de la visite, un mémorandum d’entente a été paraphé prévoyant la création d’un observatoire conjoint du marché immobilier, la promotion de matériaux locaux à faible empreinte carbone et la montée en puissance des obligations vertes libellées en francs CFA. Un comité de suivi trimestriel, co-présidé par le ministère de l’Économie et Shelter Afrique, veillera à la matérialisation des engagements. Signe supplémentaire de l’importance stratégique accordée au secteur, la partie congolaise a annoncé l’intégration prochaine des indicateurs du logement dans le tableau de bord du Plan national de développement durable.
Un partenariat à la croisée du soft power et de la cohésion sociale
En refermant le dossier de cette mission, les observateurs notent que Brazzaville a réussi à positionner la question du logement comme terrain d’expression d’un soft power conciliant pragmatisme financier et sensibilité sociale. L’État congolais, en diversifiant ses partenaires au-delà des bailleurs traditionnels, illustre une volonté d’adaptation aux mutations du financement du développement. Shelter Afrique, de son côté, voit se préciser un laboratoire à taille réelle pour ses solutions innovantes. Dans un contexte où la diplomatie des infrastructures s’affirme comme un instrument de stabilité, l’alignement des intérêts semble de bon augure.