Ce qu’il faut retenir
La fête de l’Unité populaire, célébrée le 4 novembre à Brazzaville, a rappelé la profondeur du lien russo-congolais. Devant diplomates, étudiants et entrepreneurs, l’ambassadeur Ilias Iskandarov a exhorté à « préserver la solidarité, l’unité et la paix civile » dans les deux pays.
Aux côtés du diplomate, la directrice de la Maison russe, Maria Fakhrutdinova, a salué la diversité culturelle congolaise et décrit la journée comme « la fête de l’unification de toutes nos forces ». L’événement illustre l’évolution d’un partenariat qui dépasse désormais l’histoire militaire.
Contexte historique des liens russo-congolais
Les premières relations entre Brazzaville et Moscou remontent aux années 1960, lorsque le Congo fraîchement indépendant cherchait des partenariats alternatifs aux anciennes puissances coloniales. Bourses d’études, coopération militaire puis projets énergétiques ont jalonné ce demi-siècle d’échanges discrets mais constants.
La visite d’État du président Denis Sassou Nguesso en 2019 au sommet Russie-Afrique de Sotchi a relancé le dialogue au plus haut niveau. Les deux délégations avaient alors signé des protocoles sur l’exploitation pétrolière et la formation d’ingénieurs congolais en Russie.
Depuis, les réunions ministérielles se succèdent, confortant la Commission mixte de coopération. Les diplomates soulignent que le Congo figure parmi les rares pays africains à soutenir régulièrement Moscou dans les enceintes multilatérales, sans pour autant compromettre son ouverture envers d’autres partenaires.
Coopération économique et sanitaire en plein essor
Sur le plan économique, le commerce bilatéral reste modeste, autour de 200 millions de dollars selon la Douane russe, mais il se diversifie. En 2022, Lukoil a obtenu un permis offshore dans le bloc Marine XXII tandis que les exportations congolaises de bois certifié vers la Russie progressent.
La question énergétique domine. L’entreprise russe Rosgeo participe à la cartographie sismique du bassin côtier congolais, et Gazprom Neft discute d’un éventuel partage de technologie pour la liquéfaction de gaz à Pointe-Noire. Pour le ministère congolais des Hydrocarbures, ces transferts techniques renforcent le contenu local.
Dans la santé, l’Institut Gamaleya a fait parvenir plusieurs lots du vaccin Spoutnik V durant la pandémie. Le ministère congolais de la Santé évoque un taux d’efficacité de 93 % parmi les soignants vaccinés, argument employé pour préparer une production locale sous licence.
Le point éco évoqué par la Banque des États d’Afrique centrale note que les sociétés mixtes créées avec des capitaux russes soutiennent déjà trois cents emplois directs au Congo. Les autorités visent le double d’ici 2025, en misant sur l’agro-transformation et la formation numérique.
Un soft power culturel consolidé
Au-delà des chiffres, la journée du 4 novembre a mis en avant le « soft power » culturel. Concerts de musique traditionnelle téké, lectures de Pouchkine en lingala et projection d’un documentaire sur les forêts du bassin du Congo ont rythmé la cour de l’ambassade.
La Maison russe multiplie, depuis son ouverture en 2021, les cours de langue, les bourses d’ingénierie aéronautique et les ateliers de robotique pour collégiens. Son directeur académique affirme que plus de mille jeunes Congolais ont déjà bénéficié de ces programmes, dont un tiers de filles.
Pour la sociologue Clarisse Ngatsé, ces initiatives contribuent à l’émergence d’une élite scientifique ouverte au monde tout en restant ancrée nationalement. Elle constate cependant que le nombre de places reste inférieur à la demande, preuve de l’attrait renouvelé pour les filières russes.
Les diplomates congolais voient dans cette diplomatie culturelle un moyen de renforcer la cohésion interne. « Montrer la pluralité de nos cultures face à nos amis russes nous rappelle notre propre unité », glisse un conseiller du ministère des Affaires étrangères, présent lors des célébrations.
Scénarios d’avenir et après ?
Quels scénarios pour la prochaine décennie ? Les analystes de la plateforme Globus évoquent une coopération sécuritaire accrue, notamment dans la cybersécurité et la lutte anti-piraterie dans le golfe de Guinée, domaines où Moscou dispose d’atouts technologiques recherchés par Brazzaville.
Sur le volet environnemental, l’Institut V.N. Sukachev négocie avec l’Université Marien Ngouabi un centre mixte de recherche sur la biomasse et le captage carbone. Une telle plateforme renforcerait la stratégie climat du Congo et ses ambitions de hub vert en Afrique centrale à forte valeur scientifique et économique mesurable.
Sur le terrain financier, les banques VTB et BGFI explorent la création d’une ligne de crédit en roubles et en francs CFA pour sécuriser les échanges, contournant ainsi la volatilité du dollar. Les experts estiment que cette innovation pourrait inspirer d’autres pays de la CEMAC.
En clôture de la cérémonie, Ilias Iskandarov a résumé le défi commun : « Nos deux pays ont traversé des moments difficiles, mais c’est dans la solidarité que nous avons trouvé la force d’avancer. Continuons à bâtir une amitié profitable à nos peuples et à la stabilité régionale ».
Le ministère congolais de la Coopération internationale prévoit la tenue à Brazzaville, au premier semestre 2024, d’un forum économique Congo-Russie réunissant industriels, start-up et chercheurs, signe que la dynamique bilatérale cherche désormais à se massifier.
