Ce qu’il faut retenir
Le Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale, réuni à Brazzaville, a validé un budget 2026 de 85,9 milliards FCFA, soit 2,42 % de plus qu’en 2025. L’enveloppe traduit une volonté collective de transparence budgétaire et d’intégration régionale renforcée.
La session était présidée par le ministre congolais Ludovic Ngatsé, sous l’égide du président en exercice de la CEMAC, Denis Sassou Nguesso, salué pour son leadership continu. Les six États membres ont affiché une unité rare pour accorder priorité à la convergence macroéconomique et à la discipline des dépenses.
L’UEAC muscle son budget 2026
L’augmentation modérée du budget provient principalement d’une hausse des contributions nationales, signe d’une confiance accrue dans les mécanismes communautaires. Selon la Commission, ces nouvelles ressources permettront d’absorber les surcoûts liés à la mise en place du budget-programme, considéré comme un jalon pour moderniser la gestion publique.
En séance, Balthazar Engonga Edjo’o a martelé que « chaque franc mobilisé devra être traçable, et chaque projet rendu visible pour nos populations ». Le message vise autant les administrations nationales que les organisations partenaires telles que la Banque africaine de développement, souvent critique sur la délivrance des projets.
Transparence financière et gouvernance
Le Conseil a acté la création d’un comité d’audit communautaire présidé par le Gabon. Cet organe disposera d’un mandat pluriannuel pour contrôler ex ante et ex post les engagements, un saut qualitatif dans une zone longtemps pointée pour son opacité budgétaire et le chevauchement de ses institutions.
En parallèle, la Commission finalise des manuels de procédures uniformes. L’objectif est d’harmoniser les règles d’achat public, de comptabilité et de suivi-évaluation, condition sine qua non pour attirer davantage de financements concessionnels et d’investissements privés dans les projets régionaux de transport, d’énergie ou de télécommunications.
Projets intégrateurs énergie et numérique
Le méga-projet CAPES, futur réseau de pipelines reliant le Tchad à la côte gabonaise, a été reconnu comme « intégrateur prioritaire ». Il vise à mutualiser les coûts logistiques et à sécuriser les approvisionnements en carburants dans toute la sous-région, réduisant les importations extra-africaines et les coûts d’assurance.
Les ministres ont, par ailleurs, demandé l’application effective du free roaming, déjà adopté sur le papier depuis 2023. Les opérateurs télécoms disposent désormais de six mois pour aligner leurs tarifs. Les diaspora et les PME attendent cette mesure pour fluidifier les échanges numériques et faire baisser la facture mobile.
Contexte économique sous-régional
La CEMAC termine 2025 avec une croissance moyenne estimée à 3,4 %, tirée par les hydrocarbures et le rebond de la filière bois. Mais l’inflation encore proche de 6 % érode le pouvoir d’achat urbain, tandis que la dette publique moyenne flirte avec 55 % du PIB sous-régional.
Face à ce tableau, le rapport de surveillance multilatérale 2024 insiste sur la nécessité de mieux collecter l’impôt non pétrolier et de limiter les subventions improductives. Les orientations économiques 2026 fixent un déficit global inférieur à 3 % du PIB, objectif jugé atteignable par plusieurs analystes.
Scénarios pour la convergence macroéconomique
Si les cours du brut se maintiennent, le critère de réserve extérieure de six mois d’importations pourrait être respecté dès le second semestre 2026, selon l’économiste camerounais Martin Fouda. En revanche, un choc pétrolier négatif forcerait les États à réexaminer leurs plans d’investissement public.
Le scénario central repose sur une remontée graduelle de la production non extractive, dopée par l’harmonisation des normes et la mutualisation des infrastructures. Les gains attendus en matière de logistique portuaire pourraient, à eux seuls, ajouter 0,4 point de croissance régionale d’ici deux ans, estime le cabinet AfriScope.
Le point juridique et financier
L’adoption du budget-programme implique un changement de paradigme juridique : les crédits seront désormais liés à des objectifs de performance clairement chiffrés, assortis de pénalités en cas de non-atteinte. Les parlementaires nationaux devront ratifier ces dispositions pour qu’elles acquièrent force exécutoire dans chaque pays.
Sur le plan financier, la Commission négocie déjà une nouvelle facilité de crédit avec le Fonds monétaire africain, actuellement en gestation. L’instrument offrirait des lignes de soutien anti-choc et encouragerait la notation souveraine des pays encore absents des marchés internationaux de capitaux.
Et après ? feuille de route 2026
Clôturant les travaux, Ludovic Ngatsé a exhorté la Commission à présenter dès janvier un tableau de bord trimestriel public. L’outil permettra aux citoyens, aux investisseurs et aux partenaires techniques de suivre, en temps réel, l’état d’avancement des réformes et la consommation budgétaire.
Pour l’économiste congolaise Irène Mbemba, la clé résidera dans « l’appropriation nationale des objectifs communautaires ». Elle rappelle que le budget 2026 intervient alors que plusieurs pays s’apprêtent à réviser leurs plans nationaux de développement, offrant une fenêtre de synchronisation sans précédent.
Dans l’immédiat, une mission conjointe CEMAC-UEAC se rendra à Paris et Pékin pour promouvoir les projets intégrateurs auprès des bailleurs. Les retombées seront scrutées, car elles détermineront la capacité de la sous-région à transformer la dynamique budgétaire en résultats concrets pour les populations.
Regards d’experts
Pour Cédrick Okoumé, analyste chez Bloomfield Investment, « la crédibilité du nouveau cadre dépendra de la régularité des audits et de la publication en ligne des indicateurs de performance ». Selon lui, un reporting ouvert renforcerait la note de crédit régionale et réduirait le coût de la dette.
