Ce qu’il faut retenir
En signant une convention le 11 septembre 2025 à Yaoundé, la Caisse nationale de prévoyance sociale et le groupe Arise lancent une coopération qui vise un point supplémentaire de PIB par an, 100 000 emplois et 5 000 milliards FCFA d’investissements d’ici 2028.
La démarche s’inscrit dans la stratégie de transformation industrielle prônée par le Président Paul Biya : diversifier l’économie, réduire la dépendance aux importations et placer le pays comme plaque tournante régionale. Le partenariat public-privé CNPS–Arise doit servir de catalyseur à cette vision.
Partenariat public-privé aux ambitions géantes
Selon le directeur général de la CNPS, Mekulu Mvondo Akame, cinq projets structurants ont été retenus, dont trois déjà contractualisés. « Nous parlons d’investissements socialement rentables », précise-t-il, soulignant un objectif de réalisation compris entre 18 et 24 mois pour la première vague.
Côté Arise, le fondateur Gagan Gupta rappelle que sa société pilote déjà des plateformes intégrées au Gabon, au Bénin ou au Togo. Le modèle combine infrastructures, zones industrielles et accompagnement des PME afin d’augmenter la valeur ajoutée locale.
Port de Douala : fluidifier la logistique sous-régionale
Premier chantier, la construction d’une plateforme de réception et de stockage de conteneurs au port de Douala. Installé sur près de 100 hectares et extensible à 220, le site doit désengorger les quais existants, réduire les coûts logistiques et accélérer les délais de transit.
Pour les exportateurs de bois, cacao ou aluminium, mais aussi pour les importateurs de biens de consommation, l’impact pourrait être décisif. Arise table sur une baisse des frais de manutention et sur une meilleure fiabilité des rotations maritimes, facteur clé pour les chaînes industrielles.
Dibamba : future zone industrielle textile
À 40 kilomètres de Douala, la zone de Dibamba accueillera la seconde brique du programme. Une usine de transformation du coton camerounais y produira pagnes, vêtements, draps et serviettes, avec une capacité pensée pour absorber la filière nationale et viser des marchés d’exportation.
Le ratio valeur ajoutée est spectaculaire : passer de un dollar pour le coton graine à vingt dollars pour le tissu fini, affirme Gagan Gupta. Le pays capture ainsi la marge aujourd’hui réalisée en Asie, tout en stimulant des industries secondaires comme les teintureries ou la logistique vestimentaire.
Emploi et formation : le pari humain
La CNPS prévoit 22 000 à 25 000 postes créés avant 2028, dont 15 000 rien que pour le textile. Les autorités insistent sur la nécessité d’un dispositif de formation professionnelle calibré pour les métiers de la chaîne cotonnière, de la maintenance industrielle et de la gestion portuaire.
Un centre d’excellence devrait voir le jour à Douala, financé en partie par Arise et la CNPS, pour délivrer des curricula certifiés. L’objectif est double : fournir rapidement une main-d’œuvre qualifiée et ouvrir des perspectives d’emploi durable pour la jeunesse urbaine et rurale.
Financement : un montage à 5 000 milliards FCFA
Le programme mobilise environ 5 000 milliards FCFA sur cinq ans. La CNPS apportera une partie de ses réserves sous forme de prises de participation, tandis qu’Arise sollicitera des institutions financières internationales et des fonds d’investissement, confiante dans la rentabilité des flux logistiques et industriels.
Un mécanisme d’incitation fiscale, en cours de finalisation au ministère des Finances, offrirait des exonérations ciblées sur l’impôt sur les sociétés et la TVA pendant les premières années. L’exécutif défend une approche pragmatique : attirer le capital privé tout en garantissant un retour budgétaire à moyen terme.
Pour sécuriser la gouvernance, un comité conjoint CNPS-Arise, associant les ministères sectoriels et des représentants du secteur privé, supervisera l’exécution. Les décisions d’engagement financier devront recueillir la double majorité des deux partenaires, tandis qu’un audit externe annuel assurera la crédibilité des comptes aux investisseurs internationaux.
Impact macroéconomique attendu
Le gouvernement table sur un gain potentiel d’un point de PIB supplémentaire chaque année une fois les installations opérationnelles. Les exportations de textiles, assorties d’une substitution aux importations, devraient améliorer la balance des paiements et soutenir la stabilité du franc CFA.
Les économistes rappellent toutefois que la réussite dépendra aussi de la fiabilité énergétique et de la fluidité des corridors routiers vers le Tchad et la République centrafricaine. Des projets d’extension du réseau électrique et de modernisation de la route Douala-Bangui sont donc mis en parallèle.
Et après ? Les scénarios à surveiller
Si le calendrier est tenu, Douala pourrait devenir l’un des plus grands hubs logistiques d’Afrique centrale dès 2028. À horizon 2030, Arise envisage déjà l’ajout d’unités de sidérurgie et de recyclage, afin de boucler davantage de chaînes de valeur.
La Banque mondiale souligne que le Cameroun dispose d’un marché intérieur suffisant pour soutenir ces volumes. Mais elle alerte sur la nécessaire transparence des contrats et la soutenabilité de la dette. Les parties promettent la publication régulière d’indicateurs de performance et un reporting ESG détaillé.
Au-delà du prestige, le dossier CNPS-Arise ouvre un laboratoire grandeur nature pour la politique camerounaise de transformation structurelle. S’il réussit, il pourrait servir de modèle à d’autres caisses publiques africaines, prêtes à investir leurs fonds dans l’économie réelle et dans la consolidation des États.