Ce qu’il faut retenir de la 44e session
Réunis du 27 au 31 octobre 2025 à Brazzaville, les ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale ont adopté un budget programme de 85,9 milliards FCFA pour 2026 et acté des réformes destinées à consolider la gouvernance communautaire et l’intégration régionale.
Sous la présidence du ministre congolais Ludovic Ngatsé, les délégations ont surtout mis l’accent sur la transparence financière, la collecte de la Taxe communautaire d’intégration et la transformation du FODEC en fonds d’investissement, autant de signaux salués par les partenaires au développement.
Contexte régional et institutionnel
Créée en 1994, la CEMAC regroupe le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la Centrafrique et le Tchad autour d’un objectif : faire émerger un marché commun à l’appui d’une monnaie unique adossée à la Banque des États d’Afrique centrale.
Dans un encart « Contexte », les services de la Commission rappellent que la croissance régionale devrait frôler 3,3 % en 2025, soutenue par la reprise pétrolière et l’agro-industrie, mais que les inégalités territoriales persistent faute d’infrastructures transfrontalières fluides.
Un budget 2026 orienté intégration
Le budget programme adopté affiche une hausse modérée de 2,42 % par rapport à l’exercice précédent, un choix présenté par Brazzaville comme la preuve d’une discipline budgétaire renouvelée tout en protégeant les chantiers communs jugés prioritaires.
Près de 18,5 milliards FCFA reviennent au FODEC, mécanisme de soutien à la diversification, tandis que des enveloppes spécifiques sont fléchées vers la sécurité sanitaire, la mobilité régionale et la numérisation des douanes, détaille le « Point éco » annexé au communiqué final.
Le port sec d’Ebibeyin, en Guinée équatoriale, bénéficie d’un traitement à part : la Commission dispose de huit mois pour finaliser les études et inscrire les premiers travaux dans la programmation 2026, une avancée stratégique pour le corridor Bata–Brazzaville.
Gouvernance et transparence accrues
Autre décision phare, la création d’un comité d’audit dont l’architecture sera proposée par le Gabon. Ce nouvel organe aura pour mission de suivre la mise en œuvre des recommandations d’audit interne et de publier un rapport consolidé chaque semestre.
Les ministres ont également insisté sur la nécessité d’harmoniser les grilles salariales des institutions communautaires afin d’éviter les doublons et de limiter la masse salariale à 30 % du budget, un seuil jugé soutenable par les experts du Comité inter-État.
« Aucune résolution ne doit rester lettre morte », a martelé Ludovic Ngatsé devant ses pairs, rappelant que la crédibilité de la CEMAC dépend de livrables concrets pour les populations, depuis la traçabilité des dépenses jusqu’à l’interdiction d’exporter des grumes non transformées.
Le tournant de la TCI automatique
La Taxe communautaire d’intégration représente moins de 1 % des recettes fiscales nationales, mais elle finance plus de 70 % du budget communautaire. Son recouvrement automatique, déjà effectif au Congo, doit devenir la norme afin de sécuriser les projets, souligne le « Point juridique ».
Une mission conjointe Commission–États visitera dès janvier les administrations douanières pour vérifier l’alignement des procédures. Selon un diplomate de la BEAC, « les performances du mécanisme congolais montrent qu’il n’y a pas d’obstacle technique sérieux ».
Scénarios pour le FODEC et les projets structurants
Le Conseil a réitéré le principe de convertir le FODEC en véritable fonds d’investissement, capable de lever des ressources auprès d’institutionnels africains et de la diaspora. Trois scénarios de capitalisation sont à l’étude, de 100 à 300 millions d’euros.
En parallèle, la BEAC planche sur des obligations vertes régionales destinées à financer la transition énergétique dans le bassin du Congo. Le Gabon et le Congo-Brazzaville se disent prêts à servir de pilotes afin de crédibiliser l’émission sur les marchés internationaux.
Selon la Commission, l’effet levier pourrait atteindre 1 contre 5 : chaque franc communautaire mobilisé par le fonds attirerait cinq francs privés, notamment sur les parcs agro-industriels et les data centers régionaux, considérés comme catalyseurs d’emplois jeunes.
Un encadré « Carto-data » inséré par la rédaction synthétise les corridors ferroviaires en projet, du Transcameroon Railway à la boucle Pointe-Noire–Bangui, rappelant que chaque mois gagné sur la mise en service réduit de 15 % le coût logistique intra-régional.
Et après ? Vers des actions mesurables
La présidence congolaise du Conseil espère tenir une session extraordinaire avant juillet pour valider les manuels de procédure et l’architecture détaillée du comité d’audit. Cette accélération doit rassurer investisseurs et agences de notation.
Dans les couloirs du Hilton, plusieurs ministres évoquent un tableau de bord trimestriel public, inspiré de la pratique congolaise de reporting budgétaire. L’outil permettrait aux citoyens de suivre en temps réel l’exécution des décisions, renforçant ainsi la culture de résultats.
Une feuille de route détaillée devrait être publiée en mars, avec des indicateurs précis sur la collecte de la TCI, la mise en chantier d’Ebibeyin et l’avancement des manuels de procédure, annonce le secrétariat, qui promet des infographies accessibles au grand public.
Pour l’économiste camerounais Simon Abéga, la dynamique actuelle « montre que la CEMAC a compris l’importance du capital confiance ». Reste, selon lui, à « mobiliser sans délai la TCI et concrétiser les projets structurants pour que la croissance devienne inclusive ».
