Un hémicycle sous le signe de la concorde
Le Palais Bourbon, vénérable théâtre des grands débats républicains français, a accueilli du 9 au 13 juillet la cinquantième session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Parmi les orateurs, la présence d’Isidore Mvouba, président de l’Assemblée nationale de la République du Congo et chef de la section APF-Congo, a suscité une attention soutenue. Dans l’amphithéâtre aux lambris dorés, le parlementaire congolais a choisi un registre empreint de gravité et d’ambition, soulignant que le dialogue des cultures — fondement même de la Francophonie — demeure un socle indispensable à la solidarité entre les peuples.
Aux yeux des observateurs, la symbolique importait autant que le contenu. Un demi-siècle après la création de l’APF, l’organisation cherchait à mesurer sa capacité d’attraction. En apportant le concours d’une délégation fortement représentative, Brazzaville réaffirmait son attachement à une plateforme multilatérale où l’usage de la langue française se conjugue à la défense des souverainetés nationales.
La voix du Congo et la diplomatie parlementaire
Dans son allocution, Isidore Mvouba a dépeint la Francophonie comme une « boussole » capable d’orienter les États membres face aux crises armées, à l’urgence climatique ou à l’érosion du multilatéralisme. Sur la forme, son discours était soigneusement calibré : ni posture moralisatrice, ni renoncement à la franchise, mais une invitation incessante à anticiper les drames plutôt qu’à les subir. Sur le fond, il a mis en avant la notion de diplomatie parlementaire, entendue comme complément indispensable aux canaux exécutifs.
Cette lecture s’inscrit dans la dynamique impulsée par Brazzaville depuis plusieurs années : multiplier les espaces de dialogue où les élus, forts de leur légitimité démocratique, peuvent faire entendre une position africaine pondérée, éloignée des polarisations qui dominent souvent les arènes internationales. La référence faite par le président congolais à une « diplomatie de progrès et d’avenir » traduit l’ambition d’aligner les priorités nationales — stabilité macro-économique, diversification, insertion régionale — avec les grands chantiers de l’APF.
La langue française, levier stratégique de Brazzaville
Au cœur de cette stratégie se trouve la langue française, définie par Isidore Mvouba comme instrument politique et diplomatique. Le rappel de la vision du président Denis Sassou Nguesso, pour qui la Francophonie constitue « le cénacle de l’harmonie », s’avère révélateur : à Brazzaville, la promotion du français n’est pas seulement affaire de prestige culturel, elle s’inscrit dans une diplomatie d’influence destinée à favoriser la réconciliation et la coopération régionales.
En Afrique centrale, où la mosaïque linguistique peut constituer un facteur de fragmentation, la République du Congo envisage le français comme un dénominateur commun susceptible de fluidifier les processus d’intégration économique. Sur le plan intérieur, la consolidation des politiques d’éducation bilingue nourrit la projection d’une jeunesse capable d’évoluer avec aisance dans les réseaux francophones, ouvrant la voie à des partenariats scientifiques et technologiques plus denses.
La Francophonie entre crises et espérances
Le discours congolais rejoint un constat partagé par nombre de délégations : la Francophonie traverse une phase de redéfinition. Les tensions géopolitiques, les concurrences d’influence et la fragmentation des chaînes de valeur fragilisent l’édifice multilatéral. Dans ce contexte, Brazzaville plaide pour un rééquilibrage qui fasse de l’APF une force de médiation, capable d’offrir aux États membres un espace de réflexion sur la gouvernance climatique ou la sécurité collective.
Les parlementaires congolais soulignent par ailleurs la nécessité de renforcer les mécanismes d’alerte précoce et de prévention des conflits. Cet axe rejoint les initiatives déjà défendues par la diplomatie congolaise au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, où la République du Congo milite pour des solutions endogènes et concertées.
Paris-Brazzaville, horizon d’une coopération renouvelée
La réception des présidents de parlement à l’Élysée par Emmanuel Macron a constitué un moment protocolaire fort, mais également l’occasion pour Isidore Mvouba de rappeler l’ancrage historique des relations franco-congolaises. Derrière les photographies officielles, les équipes parlementaires ont multiplié les entretiens bilatéraux visant, selon un conseiller rencontré dans les couloirs du Palais Bourbon, à « faire progresser les dossiers de coopération éducative, numérique et climat ».
Ces échanges confirment que la diplomatie parlementaire n’est pas un simple exercice de style. Elle s’insère, au contraire, dans la trame plus vaste d’une politique étrangère congolaise qui, tout en consolidant ses partenariats traditionnels, explore de nouveaux axes Sud-Sud et valorise les cadres multilatéraux. En revenant de Paris, la délégation congolaise emporte donc un capital symbolique : celui d’un pays qui, sans renier sa souveraineté, s’affirme comme artisan de consensus au sein d’une Francophonie appelée à se réinventer.