Ce qu’il faut retenir : la Cdn 3.0
On 5 décembre à Brazzaville, la ministre Arlette Soudan-Nonault a clos l’atelier national de validation de la Contribution déterminée au niveau national 3.0, saluée pour sa rédaction participative impliquant société civile, femmes, jeunes et peuples autochtones.
Le document consolide l’ambition de la République du Congo de demeurer un puits de carbone mondial tout en plaçant l’inclusion sociale au centre de l’action climatique.
Les participants sont désormais invités à traduire la vision en programmes concrets, processus qui, selon le ministère, pourra créer des emplois durables tout en protégeant les écosystèmes du bassin du Congo.
Les experts consultés estiment que la Cdn 3.0, plus chiffrée, facilitera la hiérarchisation des priorités et la recherche de partenaires, évitant la dispersion des efforts constatée dans certains programmes africains.
Une vision inclusive saluée
Arlette Soudan-Nonault a insisté sur le fait que l’inclusion n’est pas un slogan mais une méthode, soulignant que les communautés forestières doivent percevoir des bénéfices concrets pour demeurer engagées.
Les observateurs notent que les feuilles de route climatiques précédentes avaient limité les consultations de terrain ; la nouvelle approche tire les leçons de vingt années de négociations onusiennes.
Les représentants de la société civile présents à Brazzaville ont salué un langage clair sur l’égalité de genre et les droits autochtones, y voyant un pas vers l’appropriation partagée des objectifs de réduction.
Pour la Coordination nationale REDD+, cette approche inclusive réduit les risques de conflits d’usage des terres, un facteur souvent sous-estimé dans les projets de conservation.
Objectif carbone et chiffres clés
En adoptant la Cdn 3.0, le Congo-Brazzaville confirme sa responsabilité de conserver la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, se positionnant comme allié stratégique des efforts mondiaux de mitigation.
Le document détaille des actions renforcées dans l’énergie, l’agriculture, la gestion des déchets et l’aménagement du territoire pour maintenir un puits de carbone déjà supérieur aux émissions nationales.
Des objectifs sectoriels précis seront transmis aux partenaires techniques lors de la prochaine revue, échéance alignée sur le cycle quinquennal de l’Accord de Paris.
Le pays veut également améliorer ses inventaires forestiers, un préalable à la certification internationale des stocks de carbone.
Le défi des 8,92 milliards de dollars
La ministre chiffre les besoins de financement à 8,92 milliards de dollars sur la période d’exécution, combinant effort domestique et contributions internationales.
Elle soutient que la finance climat doit reconnaître les services écosystémiques offerts par le bassin du Congo, notamment sa capacité à séquestrer des milliards de tonnes de carbone.
Les délégués ont salué la décision du sommet de Belém d’opérationnaliser le fonds pertes et préjudices, y voyant un levier supplémentaire de mobilisation.
Brazzaville planche sur un guichet unique destiné à simplifier les dossiers climat et à rassurer les bailleurs, a précisé un cadre du ministère des Finances.
Secteur privé et innovations vertes
Au-delà des budgets publics, Brazzaville vise un engagement accru des banques, agro-industries, télécoms et opérateurs forestiers, convaincue que des financements innovants peuvent démultiplier les solutions.
Les mécanismes de crédits carbone autorisés par l’article 6 de Paris pourraient permettre aux entreprises de monétiser les émissions évitées tout en réinvestissant une partie des recettes dans les communautés.
Un pipeline pilote est déjà à l’étude, associant agroforesterie et traçabilité numérique pour garantir l’intégrité environnementale, selon des responsables consultés après l’atelier.
En parallèle, les start-ups congolaises développent des applications mobiles de suivi des feux de brousse, un marché potentiel pour les investisseurs à impact.
Le point juridique/éco : articles 6
La ministre a souligné les opportunités ouvertes par les articles 6.2, 6.4 et 6.8, notamment les transferts bilatéraux de résultats d’atténuation, les projets fondés sur le marché et les cadres de coopération non marchands.
Elle a confirmé que le Congo entend piloter au moins une transaction dans chaque fenêtre dès que les règles méthodologiques seront adoptées par l’UNFCCC.
Les analystes voient cette proactivité comme un moyen de positionner tôt l’expertise locale et de capter de la valeur avant que la concurrence entre pays riches en carbone ne s’intensifie.
La diplomatie congolaise entend défendre ces mécanismes lors des prochaines négociations climatiques, misant sur son expérience de pays facilitateur au sein du bassin du Congo.
Un cadre juridique national sur le carbone est en préparation avancée.
Afforestation : la décennie ONU
La proclamation par l’ONU de la Décennie pour l’afforestation et le reboisement, portée par le président Denis Sassou Nguesso, amplifie la feuille de route nationale et offre une plateforme de coopération internationale.
Sous cette bannière, le Congo ambitionne de restaurer les terres dégradées et de diversifier les revenus ruraux grâce au bois durable, au cacao et aux produits forestiers non ligneux.
Les partenaires techniques saluent cet engagement politique, estimant que des calendriers prévisibles renforcent la confiance des bailleurs et facilitent les stratégies de finance mixte.
Des universités locales prévoiront des programmes de recherche appliquée sur la restauration des mangroves côtières, afin de compléter les actions terrestres.
Et après ? Feuille de route opérationnelle
Le ministère promet de publier sous trois mois une matrice d’exécution détaillant responsabilités, indicateurs et calendrier de suivi.
Une task-force multipartite se réunira chaque trimestre pour vérifier les avancées, garantissant que les communautés consultées pendant la rédaction demeurent impliquées pendant la mise en œuvre.
Soudan-Nonault a résumé l’ambition : « Nous devons prouver que notre forêt protège la planète et crée des opportunités pour chaque Congolais. »
Un rapport annuel public évaluera les réductions d’émissions et les retombées sociales, garantissant la transparence demandée par les partenaires techniques et financiers.
