Ce qu’il faut retenir
Le 15 septembre, la Journée internationale de la démocratie a servi de tremplin à un échange inédit entre société civile, universitaires et représentants de l’État congolais. Tous ont convergé vers une même ambition : rapprocher institutions et citoyens.
Organisée par Avenir Nepad Congo, la rencontre a mobilisé les données des 42 enquêtes Afrobarometer menées dans le pays pour identifier forces et faiblesses de la participation civique. Les résultats dessinent un Congo conscient des défis mais confiant dans ses capacités d’adaptation.
Invité d’honneur, le ministre Alain Akouala Atipault a salué la « vision constructive » portée par le débat, appelant chercheurs et ONG à nourrir la stratégie nationale de gouvernance démocratique, notamment à travers l’expérimentation de zones économiques spéciales inspirées du modèle singapourien.
Un rendez-vous planétaire pour la démocratie
La Journée internationale de la démocratie, instaurée par l’ONU, propose chaque année un temps de réflexion mondiale sur les valeurs de représentation, de transparence et de participation. Dans un contexte géopolitique mouvant, l’édition 2025 a mis l’accent sur l’inclusion citoyenne.
À Brazzaville, la Fondation Congo Assistance a prêté son cadre pour contextualiser ces thèmes aux réalités congolaises. La présence d’un public divers – étudiants, entrepreneurs, diplomates, élus locaux – a illustré l’intérêt transversal que suscite la question démocratique dans le pays.
Afrobarometer scrute la vox populi
Ngodi Etanislas a dévoilé un panorama de la perception publique compilé depuis 2011. Les indicateurs montrent un attachement constant aux processus électoraux mais une implication quotidienne encore timide, notamment dans les conseils de quartier et les débats budgétaires.
Les enquêtes pointent un écart entre intention et action : plus de 60 % des sondés se disent prêts à dialoguer avec leurs élus, mais moins du tiers ont effectivement participé à une réunion communautaire au cours des douze derniers mois.
Pour les analystes, l’enjeu n’est pas l’adhésion aux principes démocratiques – globalement forte – mais la transformation de cette adhésion en comportements concrets. Le taux de participation pourrait croître grâce au numérique et à la décentralisation progressive en cours.
Une lecture bantoue de la modernité politique
Didier Ngalebaye a replacé l’histoire institutionnelle du Congo dans la longue durée. Selon lui, l’« importation » de la démocratie occidentale amorcée à La Baule en 1990 a nécessité des ajustements pour dialoguer avec les valeurs communautaires bantu.
L’universitaire observe qu’après la phase d’adaptation, l’heure est à la synthèse : faire coexister le principe du suffrage universel et celui du consensus traditionnel, en valorisant la palabre comme outil de médiation sociale.
Démocratie participative et réalités socio-économiques
Denis Oba, fort de son expérience à l’Observatoire indépendant sur la démocratie participative, a rappelé qu’une gouvernance inclusive ne peut ignorer les conditions de vie. Accès à l’eau, à l’électricité ou à la santé influence directement la confiance dans les institutions.
Il préconise une meilleure articulation entre débats publics et politiques de développement, citant des projets d’énergie solaire communautaire où les habitants participent aux décisions techniques et budgétaires, renforçant ainsi leur sentiment d’appartenance civique.
L’État congolais entre engagements et innovations
Le ministre Alain Akouala Atipault a inscrit ces échanges dans la trajectoire de réformes engagées depuis plusieurs années : modernisation du cadre électoral, renforcement des collectivités locales et digitalisation des services publics pour raccourcir la distance avec l’administré.
Il voit dans les zones économiques spéciales un laboratoire de gouvernance où acteurs privés, pouvoirs publics et populations testent de nouveaux mécanismes de dialogue, avec un accent mis sur la formation professionnelle et la création d’emplois pour la jeunesse.
Scénarios d’évolution à moyen terme
À court terme, les participants envisagent des forums provinciaux qui diffuseraient la méthodologie Afrobarometer, afin que chaque territoire dispose d’un baromètre citoyen localisé et actualisé.
À moyen terme, l’essor du mobile money et des plateformes civiques pourrait ouvrir la voie à des budgets participatifs numériques, sécurisés et accessibles, renforçant la traçabilité des dépenses publiques.
À long terme, la consolidation de la démocratie congolaise passera par l’éducation civique dès le primaire, l’appui aux médias communautaires et la valorisation des médiateurs coutumiers, chaînon manquant entre l’État et les villages.
Et après ? Des actions concrètes attendues
Avenir Nepad Congo finalise un livre blanc regroupant vingt recommandations issues de la rencontre. Parmi elles : simplifier les procédures de saisine des administrations et créer un fonds de soutien aux initiatives citoyennes de suivi budgétaire.
Les participants ont convenu de se retrouver avant la fin de l’année pour évaluer les premiers engagements et mesurer, sondage à l’appui, les progrès accomplis. La démocratie congolaise se construit ainsi, pas à pas, dans le dialogue et l’expérimentation.