Ce qu’il faut retenir
La dette extérieure de l’Afrique reste dominée à près de 70 % par les marchés et les institutions multilatérales, tandis que la Chine représente autour de 12 %. Les taux d’intérêt élevés des créanciers privés occidentaux renchérissent le service de la dette.
La coopération sino-africaine s’oriente vers l’annulation de prêts sans intérêt et la conversion d’emprunts en monnaie locale. Ce glissement vers une « logique d’alliance », relevée par l’Union africaine, ouvre des marges pour un financement plus prévisible.
Carte des créanciers de l’Afrique
Le FMI chiffre la part des créanciers commerciaux, essentiellement des banques et fonds occidentaux, entre 35 % et 42 % de l’encours continental. Les institutions multilatérales apportent un poids similaire, confirmant la centralité de Bretton Woods dans l’architecture financière africaine.
La Chine, bien que très visible sur les chantiers d’infrastructures, ne concentre qu’une dette publique estimée à 12 %. Les statistiques contredisent donc l’idée d’une dépendance exclusive de l’Afrique envers Pékin.
Taux d’intérêt, la mécanique du fardeau
Le rapport 2023 de Debt Justice souligne un coût moyen proche de 5 % pour les créanciers commerciaux occidentaux. Les émissions obligataires 2024 de pays africains sur les places européennes ont même frôlé 10 %, alourdissant d’emblée la charge budgétaire.
À l’inverse, les prêts chinois affichent un taux moyen de 2,7 %. L’écart de trois points se traduit par plusieurs centaines de millions de dollars d’économies potentielles sur la durée d’un programme moyen.
En complément, la conversion partielle de la dette kényane en renminbi, négociée bilatéralement, montre qu’un adossement à la monnaie du créancier peut contenir le risque de change et dégager, selon les autorités de Nairobi, 215 millions de dollars par an.
Notation et turbulences géopolitiques
Les agences de rating appliquent toujours un « premium de risque » au continent, ce qui renchérit chaque levée de fonds. Plusieurs capitales africaines contestent un prisme qui surestime l’instabilité et sous-pondère la richesse verte ou minière.
Les chocs exogènes récents, de la pandémie à la flambée énergétique liée aux tensions commerciales, ont amputé des marges budgétaires déjà étroites. Un diplomate d’Afrique centrale formule : « Nous devons payer plus cher pour des crises que nous ne créons pas ».
Partenariat sino-africain, approche gagnant-gagnant
Dans le Plan d’action de Beijing 2025-2027 du FOCAC, Pékin promet l’annulation de prêts sans intérêt dus avant fin 2024 par les pays les moins avancés. Elle soutient aussi la suspension du service de la dette décidée par le G20, dont elle est le premier contributeur.
Selon l’ambassadeur Jiang Feng, « la meilleure réponse à la dette consiste à créer de la valeur sur place ». Les investissements chinois ciblent prioritairement les infrastructures productives : 10 000 km de voies ferrées, 100 000 km de routes et près de 100 ports bâtis en deux décennies.
Les engagements financiers nouveaux, totalisant 360 milliards de yuans, prévoient 210 milliards en lignes de crédit, 80 milliards d’aide et 70 milliards d’investissements d’entreprises, en favorisant les obligations Panda et les règlements en monnaies locales.
Congo-Brazzaville, laboratoire discret
Brazzaville accueille plusieurs infrastructures emblématiques nées de ce modèle mixte, du pont route-rail sur le fleuve Congo à la modernisation de la nationale 1, financées en partie par des facilités chinoises à taux préférentiel.
L’ambassadrice AN Qing rappelle que « les projets respectent les priorités définies par le gouvernement congolais », soulignant une dynamique où l’initiative demeure nationale et la propriété publique préservée.
Pour les autorités congolaises, l’enjeu est désormais d’adosser le service de la dette aux recettes nouvelles issues du corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui, tout en veillant à la soutenabilité budgétaire fixée dans la stratégie nationale de développement.
Scénarios et après ?
À court terme, une détente monétaire dans les pays du G7 pourrait alléger le service de la dette africaine indexé sur le dollar, mais la volatilité reste forte. L’Union africaine pousse donc la création d’agences de notation panafricaines pour réduire le biais de perception.
À moyen terme, l’essor d’instruments libellés en monnaies locales, combiné à l’émergence de marchés financiers régionaux, pourrait diversifier les sources de financement et limiter l’exposition aux chocs exogènes.
À long terme, l’internalisation de la richesse naturelle et de la biodiversité africaine dans les indicateurs macroéconomiques, proposition portée par la BAD, renforcerait la solvabilité du continent et réduirait la prime de risque, à condition d’un consensus international.
