Des Cadets de la République révélateurs d’une nouvelle génération
Lorsque le magazine Générations, l’Afrique et le Monde en mouvement, a rendu publique sa toute première liste des « Cadets de la République », la sélection a immédiatement résonné comme un baromètre sociétal. Derrière le coup de projecteur médiatique se dessine en réalité une dynamique nationale : placer au cœur du récit collectif des profils de moins de cinquante ans capables d’injecter de la créativité dans l’architecture économique, politique et culturelle du Congo-Brazzaville. Aux côtés d’entrepreneurs des télécommunications ou d’agronomes de rupture, l’expert en intelligence économique Deve Maboungou incarne cette mouvance d’« intrapreneurs » du secteur stratégique, bâtisseurs autant que passeurs de confiance.
La démarche du magazine, présentée comme un « service rendu au pays » par son directeur de publication, illustre l’attention croissante portée par les institutions congolaises à la compétence technique et à la mobilité internationale. Dans un contexte marqué par la relance post-pandémie et la quête d’investissements diversifiés, valoriser des trajectoires issues de la diaspora s’apparente à un acte de diplomatie publique. Les autorités congolaises, attentives à ces signaux, y voient une manière de nourrir le débat sur l’efficience administrative et la modernisation de la gouvernance, sans remettre en cause les équilibres institués.
Parcours académique et expertise stratégique
Diplômé de droit à CY Cergy Paris Université, formé à l’Analyse criminelle opérationnelle au Conservatoire national des arts et métiers et titulaire d’un master en Protection des entreprises délivré par l’Institut des hautes études du ministère français de l’Intérieur, Deve Maboungou épouse une trajectoire résolument hybride. À la croisée du judiciaire, du stratégique et de l’économique, son curriculum répond à un impératif de convergence des savoirs qu’appellent de leurs vœux nombre d’observateurs – dont, récemment, le Conseil économique et social congolais lors d’un séminaire consacré à la sécurité des affaires.
L’intéressé rappelle volontiers que « l’intelligence économique n’est ni un gadget technocratique ni un ersatz de renseignement militaire, mais une grammaire de la compétitivité ». Cette formule, citée par Générations N°116, souligne la dimension inclusive de son engagement : éclairer les choix stratégiques des entreprises tout en sécurisant, à terme, la valeur ajoutée créée sur le territoire national.
Un pont entre Brazzaville, Paris et Bruxelles
Au fil de sa carrière, Maboungou a navigué entre maisons-mères européennes et filiales africaines, occupant notamment la fonction de directeur de cabinet de la Maison de l’Afrique, think tank parisien dédié aux passerelles économiques continentales. Cette position l’a conduit à orchestrer des dialogues public-privé où diplomates, opérateurs miniers et start-up de la fintech confrontent leurs attentes. « Notre rôle consiste à exporter des projets, pas des polémiques », confiait-il récemment lors d’un forum sur la résilience des chaînes de valeur.
Cette aptitude à concilier exigence technique et sensibilité interculturelle est particulièrement recherchée à l’heure où le Congo-Brazzaville renforce ses partenariats avec l’Union européenne, tout en consolidant son appartenance à la Communauté économique des États d’Afrique centrale. L’expert, installé à Paris mais enraciné à Brazzaville, incarne dès lors une diplomatie économique d’influence, jugée complémentaire des politiques publiques définies par le gouvernement congolais.
Enjeux de l’intelligence économique pour la résilience congolaise
La diversification, leitmotiv des plans nationaux de développement successifs, suppose non seulement la création de nouveaux débouchés mais aussi la protection des informations stratégiques. L’affaire récente de divulgation non maîtrisée de données pétrolières, évoquée par la Commission nationale de lutte contre la corruption, a rappelé la vulnérabilité potentielle des secteurs extractifs. Dans ce contexte, des profils comme celui de Maboungou apportent une expertise rigoureuse sur la cartographie des risques, la conformité réglementaire et la cybersécurité des entreprises nationales.
La valeur ajoutée de l’intelligence économique repose également sur la pédagogie. De retour à Brazzaville lors de sessions de formation organisées par l’Université Marien-Ngouabi, l’expert a souligné l’importance de « donner aux cadres intermédiaires les outils pour transformer une information brute en avantage compétitif ». Une telle approche, approuvée par le ministère de l’Économie et du Plan, participe de la culture de la performance que le pays cherche à ancrer sur le long terme.
Perspectives diplomatiques et régionales
Dans un environnement géopolitique soumis aux rivalités de puissances et aux fluctuations des marchés de matières premières, l’expertise d’une nouvelle génération de stratèges constitue un atout pour la diplomatie prônée par Brazzaville. Le président Denis Sassou Nguesso, lors de la dernière Semaine africaine du climat, a insisté sur la nécessité de « faire front par la connaissance ». L’émergence de figures issues de la diaspora répond à cet appel en dotant l’appareil productif d’outils analytiques forgés dans des environnements concurrentiels.
À moyen terme, la montée en puissance de l’intelligence économique pourrait servir d’accélérateur à l’initiative nationale pour l’industrialisation verte, document stratégique piloté conjointement par les ministères de l’Industrie et de l’Environnement. Outiller les acteurs locaux, attirer les capitaux responsables et protéger les innovations technologiques supposent une synergie fine entre État, secteur privé et écosystème de la recherche ; c’est précisément dans cet interstice que s’inscrit le parcours de Deve Maboungou.
Le symbole d’une maturation institutionnelle
Le label de « Cadet de la République » ne saurait se réduire à une distinction individuelle. Il cristallise l’idée que la gouvernance congolaise, tout en restant attachée à ses fondamentaux, s’ouvre progressivement à la circulation internationale des compétences. La mise en avant de profils comme celui de Maboungou contribue à l’image d’un Congo-Brazzaville fiable, disposé à dialoguer avec les grandes places décisionnelles sans sacrifier ses intérêts régalien.
En incarnant la rencontre du renseignement d’affaires et de la diplomatie économique, l’analyste démontre qu’une expertise issue de la diaspora peut épouser les objectifs de développement du pays. Là réside sans doute la principale leçon de cette génération : offrir une grille de lecture lucide, réaliste et constructive au service d’un avenir congolais qui se veut, avant tout, maîtrisé.
