Ce qu’il faut retenir
Mardi, le Malawi organise un triple scrutin présidentiel, parlementaire et local. Les 7,2 millions d’inscrits votent sous la pression d’une inflation record et d’une pénurie de devises. Au Cameroun, l’opposition investit Issa Tchiroma Bakary contre Paul Biya. À Lagos, la pop culture célèbre son Comic Con.
Cette séquence électorale et culturelle illustre les dynamiques contrastées d’un continent où la résilience citoyenne dialogue avec les chocs économiques, tandis que l’industrie créative nourrit l’espoir d’une croissance tirée par l’innovation numérique et les talents jeunes.
La présidentielle malawite, duel sous contrainte économique
Le président sortant Lazarus Chakwera sollicite un second mandat face à deux ex-chefs d’État, Peter Mutharika et Joyce Banda. Les 17 prétendants convergent sur un programme prioritaire : stabiliser les prix, relancer les exportations tabac, sucre, thé et restaurer la confiance des bailleurs.
D’après la Commission électorale, l’inflation annuelle dépasse 30 %, un niveau inédit depuis deux décennies. Les flambées de carburant, imitées du marché mondial, propulsent les coûts de transport et de denrées, alimentant un sentiment d’urgence sociale qui redéfinit le débat plus que l’appartenance partisane.
« Le problème n’est pas seulement la pauvreté, c’est l’érosion du pouvoir d’achat », explique l’économiste Emily Kumwamba, rappelant que la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Les candidats promettent subventions agricoles ciblées et création d’emplois verts, mais sans chiffrages détaillés.
Parlementaires et communes : enjeux de proximité
En parallèle, 193 sièges de l’Assemblée nationale et 4620 postes de conseillers municipaux sont en jeu. Les organisations citoyennes encouragent un vote sanction ou d’adhésion aux manifestes locaux, centré sur la gestion de l’eau, des routes rurales et des marchés communautaires souvent négligés par les politiques macroéconomiques.
Pour Manyoni Phiri, coordinatrice du réseau Youth Decide, la pression populaire pourrait accélérer la décentralisation budgétaire promise en 2020. « Les jeunes veulent voir leurs impôts financent des projets tangibles, pas seulement des slogans », insiste-t-elle, soulignant la demande de transparence dans l’attribution des contrats publics.
Cameroun : Issa Tchiroma Bakary unifie l’opposition
À Yaoundé, la coalition Front de l’Alternance a désigné l’ancien ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary pour la présidentielle du 12 octobre. À 76 ans, il affrontera le président Paul Biya, 91 ans, qui brigue un huitième mandat après quarante-deux ans de pouvoir.
Le choix de Tchiroma Bakary, réputé orateur pugnace, vise à rassembler des figures dispersées comme Maurice Kamto et Cabral Libii autour d’un programme de modernisation fiscale, d’industrialisation légère et de réformes électorales. Les observateurs mesurent toutefois l’ampleur du défi face à l’appareil du Rassemblement démocratique du peuple camerounais.
Économie africaine, nerf des urnes
Qu’il s’agisse de Lilongwe ou de Yaoundé, la question économique domine. La hausse du prix du riz, de l’huile et du diesel rappelle la vulnérabilité des pays importateurs aux chocs extérieurs. Les banquiers centraux plaident pour des réserves de change plus solides et une diversification des recettes.
Au Malawi, le FMI négocie un nouveau programme de facilité élargie. Au Cameroun, la chute du cacao a réduit les marges budgétaires et nourrit l’inflation importée. Les candidats, eux, s’engagent à renforcer l’agriculture de subsistance, soutenir les PME et sécuriser les chaînes logistiques régionales.
Lagos Comic Con : vitrine de la créativité ouest-africaine
À plus de 3500 kilomètres des bureaux de vote, le campus Landmark de Lagos s’est transformé en royaume de super-héros. La 13ᵉ édition du Comic Con a attiré près de 9000 visiteurs selon les organisateurs, un record qui témoigne de l’essor continu de l’industrie du divertissement nigériane.
Des studios d’animation aux maisons d’édition indépendantes, la manifestation sert de plateforme de réseautage avec des investisseurs locaux et des streamers mondiaux. « Nos bandes dessinées voguent désormais sur Netflix et Amazon », se félicite le dessinateur Roye Okupe, pionnier du genre afro-futuriste.
Scénarios : quels impacts régionaux ?
Une réélection de Lazarus Chakwera consoliderait la continuité macroéconomique soutenue par Washington, mais un vote protestataire ouvrirait la voie à une renégociation immédiate des accords financiers. Au Cameroun, l’unité de l’opposition jouerait sur la perception du risque pays, clé pour les euro-obligations attendues en 2025.
Pour l’écosystème créatif, le succès du Lagos Comic Con pourrait inspirer des éditions satellites à Douala ou Brazzaville, renforçant la diplomatie culturelle intra-africaine. La Banque africaine de développement y voit un levier complémentaire d’emplois numériques, estimés à plus d’un million d’ici 2030 sur le continent.
Et après ? Perspectives et garde-fous
La société civile malawite exige déjà la publication en temps réel des résultats, afin d’éviter les tensions de 2019. L’application mobile Ufulu Caravans prévoit d’agréger les procès-verbaux photographiés par les assesseurs pour offrir un comptage parallèle qui renforcerait la crédibilité du verdict populaire.
Au Cameroun, les observateurs de la CEEAC négocient un accroissement de leurs effectifs pour le scrutin. « La transparence dépendra du libre accès aux centres de compilation », rappelle le juriste Armel Gom, plaidant pour une transmission électronique des procès-verbaux dès la fermeture des bureaux de vote.
Face aux défis budgétaires, les économistes recommandent un meilleur ciblage des subventions et le développement de marchés financiers régionaux pour absorber les chocs. Les partenaires au développement, eux, encouragent l’alignement des politiques climatiques sur les plans d’investissement nationaux afin d’attirer les capitaux carbone.