Escalade meurtrière au Nord-Kivu
Les autorités de Kinshasa dénoncent une série de tueries qui, selon l’état-major congolais, a coûté la vie à plus de quatre-vingts civils dans les territoires de Nyaborongo et Lumbishi durant la première quinzaine d’août. Les victimes, parmi lesquelles des mineurs, auraient succombé à des attaques revendiquées par aucun groupe, mais imputées au M23 soutenu par des éléments des Forces de défense rwandaises, formule désormais classique des communiqués militaires congolais. Dans un climat saturé de désinformation, les rapports convergents du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme évoquent, eux, plus de trois cents morts en un mois, faisant de cette flambée l’une des plus meurtrières depuis la résurgence de la rébellion en 2022.
Le rôle contesté du Rwanda sous les projecteurs
Kigali continue de réfuter toute implication directe, qualifiant les accusations onusiennes d’« politiquement motivées ». Pour Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’Alliance du fleuve Congo qui fédère le M23, la version exposée par l’ONU « viole les principes d’impartialité » et appelle à une enquête indépendante. Cette dialectique de dénégation n’atténue pas la pression diplomatique croissante qui s’exerce sur le Rwanda, observé de près par ses partenaires bilatéraux inquiets de l’image renvoyée par un pays longtemps cité en modèle de stabilité. Dans l’ombre, plusieurs chancelleries mesurent l’impact qu’aurait, sur la coopération sécuritaire régionale, la confirmation formelle d’un soutien militaire de Kigali à la rébellion.
Processus de Doha : fragile fenêtre diplomatique
Au-delà du décompte funeste, la flambée de violences menace surtout l’échéancier fixé par la médiation qatarie. L’accord de principes paraphé le 19 juillet prévoit la signature d’un traité global avant le 18 août, assorti de garanties sur la protection des civils et le retour de plus de six millions de déplacés. Les négociateurs qataris, salués pour leur capacité à rapprocher des positions irréconciliables, se heurtent désormais à la realpolitik des belligérants. « Chaque attaque éloigne un peu plus la perspective d’un cessez-le-feu vérifiable », confie, sous couvert d’anonymat, un diplomate africain impliqué dans les pourparlers.
Implications régionales et posture de Brazzaville
Si l’attention médiatique se focalise sur les seules provinces orientales de la RDC, les capitales voisines prennent la mesure d’un risque d’essaimage. Brazzaville, historiquement engagée dans les mécanismes de sécurité de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, plaide pour une approche coordonnée respectueuse de la souveraineté de chaque État. Le chef de la diplomatie congolaise évoquait récemment l’urgence d’« une solidarité opérationnelle contre toutes formes de déstabilisation », soulignant la disponibilité du président Denis Sassou Nguesso à soutenir toute initiative africaine complémentaire du format de Doha.
Quelle architecture sécuritaire pour demain ?
La pérennité d’un accord passera inéluctablement par la remise en question des économies de guerre qui prospèrent sur l’extraction illicite du coltan et de l’or, nerf financier des groupes armés. Kinshasa réclame une levée des « zones grises » frontalières, tandis que Kigali insiste sur la neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda, résurgence du génocide de 1994. Entre ces deux impératifs de sécurité, la communauté internationale cherche une formule d’équilibre. Le déploiement d’observateurs africains, envisagé sous l’égide de l’UA, offrirait un premier filet de confiance mutuelle, à la condition que leur mandat soit clair et financé. En attendant, la population civile demeure l’otage d’un théâtre où la conquête territoriale et la concurrence minière s’entremêlent, rappel cruel qu’en Afrique centrale la paix conserve, hélas, le prix du marché.
