L’impératif de l’autonomisation économique des Congolaises
À l’heure où les économies africaines cherchent de nouveaux relais de croissance endogène, la République du Congo met en avant un levier souvent sous-estimé : l’entrepreneuriat féminin. Lancé sous l’impulsion de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises et entrepreneures, le programme Genius se veut une réponse méthodique aux obstacles structurels qui freinent l’accès des femmes au financement et au marché. Huit semaines durant, à Brazzaville, une cinquantaine de participantes ont exploré les arcanes du business plan, de la levée de fonds et du marketing numérique, autant de compétences décisives pour transformer une idée en entreprise pérenne.
Cette première cohorte, formée dans un environnement académique hybride mêlant experts locaux et intervenants internationaux, incarne la volonté officielle de créer un tissu entrepreneurial féminin capable de générer richesse et emploi. « Les notions acquises me permettent de reconfigurer la gestion de mon activité et d’envisager une expansion au-delà de la capitale », confie Melina Murielle Mpourou, promotrice d’une TPE agroalimentaire.
Un incubateur arrimé aux priorités publiques
La présence, lors de la remise des attestations, de la ministre des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, traduit l’alignement du programme sur la feuille de route gouvernementale. « Accompagner ce genre d’initiative revient à consolider la place des femmes dans la stratégie nationale de diversification économique », a-t-elle rappelé (allocution du 12 juillet). L’objectif chiffré de mille bénéficiaires à court terme ne relève donc pas d’une simple annonce : il correspond aux indicateurs consignés dans le Plan national de développement 2022-2026.
Cet arrimage institutionnel offre à Genius un ancrage réglementaire et budgétaire indispensable pour assurer la continuité des formations dans d’autres départements. À terme, l’incubateur devrait constituer un guichet unique où formalisation juridique, comptabilité simplifiée et accès prioritaire aux dispositifs fiscaux préférentiels se conjuguent à un accompagnement post-formation.
Le soutien multilatéral : effet levier du PNUD
En aval de la session brazzavilloise, la signature d’un accord de partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement confère au projet une résonance régionale. « Il est question de prendre les entrepreneures par la main et de les conduire jusqu’aux guichets de financement », a souligné Adama Dian Barry, représentante résidente du PNUD, lors de la cérémonie. Le chèque inaugural, dont le montant reste confidentiel, sert à capitaliser un fonds de garantie destiné à réduire le risque perçu par les établissements bancaires.
En parallèle, l’agence onusienne fournit une plateforme de mentorat virtuel reliant les participantes à un réseau d’experts de la sous-région. Cette composante, souvent absente des programmes classiques, répond à la problématique de l’isolement entrepreneurial et crée un espace d’échanges intergénérationnels nourri de bonnes pratiques.
Vers un écosystème financier plus inclusif
Le partenariat forgé avec Ecobank à travers l’initiative « Ellever » illustre la dimension systémique recherchée : il ne s’agit plus uniquement de former, mais de garantir une chaîne de valeur complète, de l’idéation au scale-up. Les entrepreneures accèdent désormais à un portefeuille de produits bancaires adaptés, incluant micro-crédits restructurés, services digitaux et assurances paramétriques pour les secteurs agricoles.
Du point de vue des établissements de crédit, l’effet de masse des cohortes Genius limite le coût d’acquisition client et amorce un cercle vertueux où la bancarisation féminine devient un segment stratégique. À moyen terme, les analystes anticipent une amélioration de l’indice de densité entrepreneuriale, encore inférieur à la moyenne de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale.
Cap sur Oyo : diffusion territoriale et diplomatie du développement
L’annonce de l’ouverture prochaine d’un cycle à Oyo, dans la Cuvette, porte un message géopolitique clair : l’autonomisation économique ne doit pas se cantonner aux centres urbains. En décentralisant la formation, le programme appuie la politique d’équilibre territorial défendue par les autorités congolaises et répond aux attentes formulées par plusieurs partenaires techniques lors des concertations sur la relance post-Covid.
Cette expansion hors capitale fera office de laboratoire pour mesurer la résilience des dispositifs d’accompagnement dans des contextes socio-économiques différenciés. Les retours d’expérience alimenteront, selon le comité de pilotage, une plateforme nationale de données sur l’entrepreneuriat féminin, outil précieux pour les diplomates et bailleurs désireux d’appuyer des interventions ciblées.
Consolider les acquis : enjeux de gouvernance et de durabilité
La réussite du programme Genius reste étroitement liée à la capacité de ses parties prenantes à maintenir une gouvernance transparente et inclusive. L’élaboration d’indicateurs de suivi, alignés sur les Objectifs de développement durable, conditionnera la mobilisation de financements additionnels. Dans le même temps, l’implication du secteur privé congolais, à travers des clubs d’investisseurs locaux, est appelée à jouer un rôle majeur dans la pérennisation des résultats.
Au-delà de l’effet d’entraînement immédiat, la stratégie attachée à Genius pourrait contribuer à redéfinir les rapports de genre dans les sphères économiques nationales, en projetant l’image d’une République du Congo certes consciente de ses défis, mais également résolue à capitaliser sur l’énergie créatrice de toutes ses citoyennes.