Ce qu’il faut retenir
Le 30 octobre 2025, le Cameroun a décidé de soumettre au président Paul Biya un projet d’accord triennal avec le FMI. L’enjeu est double : sécuriser des appuis budgétaires autour de 2 600 milliards FCFA et préserver les réserves de change de la zone CEMAC, déjà sous pression.
Le feu vert espéré du palais d’Etoudi
Le dossier a été tranché en Conseil de cabinet présidé par le Premier ministre Joseph Dion Ngute. Mais la signature reste suspendue à l’aval du chef de l’État, dont la réélection ouvre une fenêtre pour consolider la trajectoire budgétaire avant la prochaine échéance politique de 2030.
Au ministère des Finances, Louis Paul Motazé pilote la préparation technique. « Cette main tendue traduit notre volonté de maintenir les financements extérieurs », confie-t-il, rappelant que les concours multilatéraux couvrent près d’un quart des besoins de trésorerie et soutiennent les investissements sociaux prioritaires.
Garder ouverts les robinets financiers
Sans nouvel accord, Yaoundé devrait trouver d’autres ressources pour remplacer les 4,5 milliards USD déboursés depuis 2017. Dans une conjoncture mondiale plus coûteuse, le recours accru aux marchés obligataires ferait grimper le service de la dette et rognerait les marges pour la santé ou l’éducation.
Dans le dernier programme, le FMI a déboursé environ 385 milliards FCFA en appui direct au budget, le reste provenant de la Banque mondiale, de la BAD et de l’UE. Les décaissements étaient conditionnés à des réformes sur la gestion des entreprises publiques et la digitalisation fiscale.
Réserves de change, le nerf de la sous-région
Pour Louis Paul Motazé, ces ressources servent autant à équilibrer le budget qu’à gonfler les réserves de change déposées, en vertu des accords CEMAC-France, au Trésor français. Or la BEAC signale une chute accélérée de ces réserves entre juin et août 2025.
Le gouverneur Yvon Sana Bangui évoque « la diminution des appuis budgétaires dans un contexte de fin de programmes ». Si les réserves tombaient sous le seuil réglementaire de trois mois d’importations, la stabilité du franc CFA et la crédibilité monétaire régionale seraient exposées.
Pour les partenaires de la CEMAC, notamment le Congo-Brazzaville, qui contribue régulièrement au compte d’opérations, la signature camerounaise revêt donc un intérêt stratégique. Brazzaville n’a cessé de plaider pour une discipline collective, saluant les efforts de Yaoundé pour contenir son déficit primaire ces deux dernières années.
Les scénarios de négociation avec le FMI
À Washington, les équipes du FMI scrutent la capacité de Yaoundé à améliorer la transparence des finances publiques, à maîtriser la masse salariale et à accélérer la réforme des subventions pétrolières. Un rapport d’évaluation interne évoque un besoin d’ajustement de 1,5 % du PIB sur trois ans.
Le gouvernement mise sur la digitalisation du recouvrement fiscal et la rationalisation des exonérations pour rapprocher la pression fiscale de la moyenne CEMAC. De premières avancées sont visibles, avec une hausse de 14 % des recettes non pétrolières au premier semestre 2025, selon le Minfi.
Reste l’épine du portefeuille des entreprises publiques, dont la dette explicite et implicite dépasse 12 % du PIB. La liquidation de la Société Camtel mobile et la filialisation de la Sonara sont évoquées comme gages d’efficience, mais les négociations sociales devront être minutieusement conduites.
Et après ? Les marges budgétaires de Yaoundé
Si le programme FMI est conclu au premier trimestre 2026, les décaissements pourraient démarrer avant la saison des pluies, période de tension de trésorerie liée aux subventions agricoles. Cela donnerait de l’oxygène pour financer la stratégie de couverture santé universelle et les chantiers routiers.
À moyen terme, la diversification des recettes hors pétrole, l’entrée en production du gisement gazier de Kribi et l’extension du corridor Douala-Brazzaville devraient renforcer la résilience de la balance des paiements, au bénéfice de toute la sous-région.
Pour l’heure, les marchés restent attentifs. L’eurobond 2032 camerounais se négocie autour de 7,4 % de rendement, contre 8,1 % avant l’annonce de l’arbitrage présidentiel. « Un signal que le dialogue avec le FMI rassure », commente un analyste de la banque panafricaine Afrex.
Brazzaville et Libreville observent également la courbe, car un accès facilité de Yaoundé aux marchés internationaux crée un effet d’entraînement sur leurs propres émissions, souvent structurées en panier CEMAC. D’où l’importance d’un consensus régional autour des réformes et de la discipline budgétaire.
En attendant la décision présidentielle, le ministère camerounais des Finances affine sa copie. Un séminaire technique est prévu à Douala début décembre pour finaliser le cadrage macroéconomique 2026-2029. Les opérateurs privés, prudents, y voient déjà un signal positif de continuité et de prévisibilité.
Pour l’opposition parlementaire, la question n’est pas l’opportunité du programme mais la qualité de son suivi. Des députés réclament un tableau de bord trimestriel public et le renforcement de la Cour des comptes. Des requêtes que le gouvernement assure vouloir intégrer pour garantir la confiance des bailleurs.
La Banque mondiale prépare en parallèle un DPF d’un montant potentiel de 300 millions USD lié au même cadre de réformes. La synchronisation des calendriers devrait maximiser les retombées. Selon une source interne, l’objectif est de boucler l’ensemble du paquet financier avant juillet 2026.
