Ce qu’il faut retenir
Le sommet du G20 ouvert à Johannesburg a surpris par l’annonce d’une déclaration consensuelle dès la première matinée, sans la présence physique des États-Unis. Pour l’Afrique, et notamment le Congo-Brazzaville, ce signal renforce l’idée qu’un Sud plus audible peut influencer l’agenda mondial.
Consensus inédit à Johannesburg
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a livré une vibrante ode au multilatéralisme, saluant un travail « d’un an » impliquant chaque capitale. Son discours vise à montrer que la première présidence africaine du G20 peut délivrer des résultats tangibles, malgré les rivalités géopolitiques.
Dans la déclaration de trente pages publiée par Pretoria, les chefs d’État appellent à une « paix juste, complète et durable » au Soudan, en RDC, en Palestine et en Ukraine. La référence à Kiev reste sobre, confirmant la volonté d’éviter un blocage entre Occidentaux et pays émergents.
Multilatéralisme face aux défis géopolitiques
Pour Emmanuel Macron, le G20 « arrive à la fin d’un cycle » si les membres ne se remobilisent pas. Un avertissement qui contraste avec le ton confiant de Ramaphosa. Entre ces deux lignes, l’Afrique centrale cherche un espace pour que ses priorités climat et infrastructures restent visibles.
Avantages pour l’Afrique centrale
Brazzaville observe le sommet avec attention. Le ministre congolais des Finances, Rigobert Roger Andely, rappelle que la région CEMAC a besoin d’environ 10 milliards de dollars par an pour moderniser les corridors ferroviaires et routiers vers l’Atlantique. Une mobilisation du G20 pourrait accélérer les financements.
Transition verte et Bassin du Congo
Le consensus sud-africain met aussi la transition énergétique au cœur de l’agenda. Pour le Congo-Brazzaville, grand détenteur de forêts et producteur pétrolier, le défi consiste à valoriser ses puits de carbone sans sacrifier la croissance. Des mécanismes innovants, comme les crédits carbone souverains, sont évoqués.
Dans les couloirs du Sandton Convention Centre, un négociateur africain confie que la priorité est désormais de sécuriser un guichet vert dédié au Bassin du Congo. « Nous voulons un instrument inspiré du JET-P sud-africain, mais axé sur la forêt », résume-t-il.
Le point économique pour Brazzaville
Au-delà du climat, la déclaration insiste sur la réforme de l’architecture financière mondiale. La Banque mondiale et le FMI sont encouragés à augmenter leur capacité de prêt. Une orientation saluée par la Banque des États de l’Afrique centrale, qui voit là une chance de relancer les PME régionales.
Le gouverneur Abbas Mahamat Tolli estime que de nouvelles lignes concessionnelles allégeraient la dette et financeraient les plans de développement. « Sans cadre commun simplifié, les États resteront coincés entre rigueur budgétaire et attentes sociales », avertit-il.
Absence américaine, position européenne
L’absence du président américain a paradoxalement facilité le compromis, selon plusieurs diplomates. Washington, représenté par une équipe restreinte, n’a pas imposé de lignes rouges sur l’Ukraine. Pretoria a ainsi brodé un texte équilibré, évitant la fracture Nord-Sud redoutée.
Pour l’Union européenne, ce consensus reste néanmoins fragile. Les chefs d’État européens ont improvisé une mini-réunion pour défendre leurs positions sur Kiev. Officiellement, ils saluent l’esprit d’unité. Officieusement, ils craignent que les partenariats énergétiques avec l’Afrique ne soient dilués.
Scénarios post-sommet
Trois chemins se dessinent pour la suite. Le premier miserait sur une traduction rapide des engagements financiers avant la COP28. Le second verrait les tensions géopolitiques freiner l’élan. Le troisième, hybride, combinerait avancées sectorielles et statu quo politique.
Diplomatie congolaise proactive
À Brazzaville, le ministère des Affaires étrangères privilégie un chemin d’avancées graduelles. Un conseiller rappelle que la diplomatie congolaise mobilise déjà la Team Europe pour la fibre optique et la Chine pour les ports. « Nous additionnons les offres plutôt que de les opposer », précise-t-il.
Et après ?
Les sherpas du G20 devront finaliser, d’ici décembre, un plan opérationnel listant les projets pilotes. Le Congo-Brazzaville espère inscrire la modernisation de la ligne ferroviaire Pointe-Noire-Oyo, essentielle pour désenclaver le nord forestier. Le financement mixte public-privé serait testé comme vitrine de la nouvelle gouvernance.
Dans le même temps, les négociations sur la dette congolaise continuent avec les créanciers privés. Un signal fort du G20 sur la résilience économique donnerait de l’air aux discussions. Selon un banquier parisien, « la perception de risque politique s’améliore quand les grandes puissances parient publiquement sur le pays ».
Photographié à côté de Ramaphosa, le président Denis Sassou Nguesso, invité d’honneur dans le cadre du partenariat climat, a salué « une page tournée vers un avenir d’équité ». Son équipe assure que ce n’est pas une posture mais le prolongement des réformes budgétaires engagées depuis 2021.
À l’issue du sommet, reste une question majeure : le consensus affiché survivra-t-il aux réalités du calendrier électoral des capitales du Nord ? Pour l’heure, Pretoria a placé la barre haut. L’Afrique centrale, lucide mais optimiste, entend transformer cette fenêtre diplomatique en leviers concrets de développement.
