Ce qu’il faut retenir
Le continent aborde une phase d’expansion pétrolière inédite, portée par des projets en amont qui pourraient hisser la production à 13,6 millions de barils équivalent pétrole par jour avant 2030, selon la Chambre africaine de l’énergie.
Réunis le 21 novembre à Johannesburg pour le Forum G20 sur l’investissement énergétique en Afrique, décideurs publics et capitaux privés détailleront comment convertir chaque baril et chaque molécule de gaz en emplois, en recettes fiscales et en sécurité énergétique continentale.
Panorama des réserves africaines de pétrole et gaz
Avec 125 milliards de barils de réserves prouvées de brut et 620 trillions de pieds cubes de gaz, l’Afrique dispose déjà d’un coussin énergétique solide, appelé à s’épaissir grâce aux campagnes de forage relancées cet automne du golfe de Guinée au bassin du Zambèze.
L’Angola vise le maintien au-dessus du million de barils par jour, le Nigeria ambitionne 2,5 millions, la Libye espère 2 millions, tandis que la République du Congo souhaite conforter sa position parmi les producteurs intermédiaires de la CEMAC.
À l’autre extrémité du spectre, Namibie, Côte d’Ivoire, Sénégal ou Mozambique se rapprochent du premier baril ou de la première cargaison de GNL, démontrant la profondeur d’un pipeline de projets qui s’étend désormais aux marchés jadis considérés marginaux.
En aval, la renaissance des raffineries
Les États producteurs savent que l’équilibre se joue aussi en aval, où les factures d’importation de carburants demeurent élevées malgré l’abondance de brut local.
La mise en service du complexe Dangote, 650 000 barils jour près de Lagos, a envoyé un signal fort : l’Afrique peut raffiner à grande échelle et abaisser sa dépendance aux produits venus d’Europe ou du Moyen-Orient.
Angola, Ghana et Égypte avancent leurs propres unités, tandis que Pointe-Noire étudie un doublement capacitaire pour mieux irriguer l’Afrique centrale, confirmant une tendance où l’investissement aval devient levier de souveraineté mais aussi de diversification industrielle.
Corridors énergétiques et intégration régionale
Raffiner n’a de sens que si le carburant circule ; d’où la multiplication des corridors énergétiques, du méga-gazoduc Nigeria-Maroc au projet transsaharien, en passant par l’oléoduc d’Afrique de l’Est reliant Ouganda et Tanzanie.
Ces infrastructures promettent de lisser les disparités de prix entre zones côtières et enclavées, tout en posant les bases d’un commerce intra-africain conforme aux ambitions de la ZLECAf.
Les ingénieurs évoquent néanmoins des défis techniques, sécuritaires et financiers ; mais l’AEC insiste sur la rentabilité d’une approche mutualisée, où plusieurs pays garantissent les volumes minimaux et répartissent le risque.
Du point de vue climatique, ces infrastructures devront intégrer des technologies de réduction de méthane et des pompes alimentées à l’énergie solaire, afin que l’essor des hydrocarbures n’alourdisse pas l’empreinte carbone africaine, déjà scrutée par les bailleurs verts.
L’équation financement et gouvernance
Selon les perspectives 2026 de la Chambre, plus de 20 milliards de dollars devront être mobilisés pour moderniser ports, terminaux d’importation, pipelines et dépôts, afin de contenir la facture nette d’importation de produits raffinés.
Les grands financiers présents au Forum diront ce qui distingue un projet bancable d’un rêve : cadre réglementaire clair, fiscalité stable, partenariats public-privé équilibrés et respect du contenu local, un point que Brazzaville promeut avec constance depuis sa nouvelle loi pétrolière.
« La transformation énergétique africaine suppose de passer de l’export brut à des chaînes intégrées génératrices de valeur nationale », rappelle NJ Ayuk, président exécutif de l’AEC, pour qui le défi n’est pas la ressource mais la gouvernance et l’ingénierie financière.
Les plateformes numériques de traçabilité des flux, testées en République du Congo et au Ghana, seront présentées comme outils pour lutter contre la fraude sur le carburant et sécuriser les recettes, un argument qui rassure banquiers et assureurs internationaux.
Scénarios à l’horizon 2030
Si les investissements se concrétisent, le continent pourrait devenir exportateur net de produits raffinés dès 2028, desserrer l’étau sur les budgets publics et fournir un carburant plus abordable aux réseaux de transport urbain en plein essor.
À défaut, la demande grimpera plus vite que la capacité logistique, poussant de nouveaux cycles d’importations coûteuses et risquant d’éroder les recettes des États, signalent plusieurs analystes basés à Abidjan et Douala.
Les États côtiers, eux, misent sur la bunkérisation pour la marine marchande, segment appelé à tripler de taille en dix ans, ce qui pourrait créer un million d’emplois directs et indirects selon le cabinet African Markets.
Et après ? Cap sur Johannesburg
Le Forum G20 servira de laboratoire d’idées mais aussi de salle de marchés où seront examinées feuilles de route nationales, garanties multilatérales et offres de services des majors et des PME africaines du génie pétrolier.
Les regards se tourneront également vers la société civile, invitée à plaider pour une meilleure allocation des revenus, l’accès universel à l’électricité et la formation des jeunes aux métiers du gaz pour ancrer localement la valeur créée.
Sous réserve de résultats concrets, la rencontre pourrait marquer une étape vers un marché africain du pétrole et du gaz plus intégré, plus transparent et surtout capable de financer son propre développement industriel sans renoncer aux engagements climatiques mondiaux.
