Une diplomatie du développement économique
Le 6 août 2025, la salle de conférence de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises vibrait d’un mélange d’enthousiasme et de soulagement. Trente participantes, entourées d’autorités gouvernementales et onusiennes, recevaient leurs certificats concrétisant huit semaines d’immersion dans l’univers entrepreneurial.
La ministre des Petites et moyennes entreprises, Jacqueline Lydia Mikolo, et la représentante du PNUD, Adama Dian Barry, ont tenu à saluer « le pragmatisme d’une coopération qui met l’humain au cœur de la croissance ». Derrière la scène protocolaire, un message s’imposait : le capital humain demeure le socle d’une diplomatie économique réussie.
Une formation calibrée pour le marché
De la construction d’un pitch à la modélisation d’un business plan, le programme Genius a privilégié des modules résolument pratiques. Les apprenantes ont exploré la levée de fonds, le marketing digital et la planification financière, autant de briques indispensables pour transformer une idée en valeur marchande.
Les coachs, issus des mondes bancaire, académique et technologique, ont insisté sur la gestion de projet agile et le développement personnel. « Nous savons désormais distinguer commerce de création de valeur », confie Blanche Bafiatissa, fondatrice de Bianca Biofood, symbole d’un secteur agroalimentaire désireux de gagner en compétitivité.
L’accent mis sur le positionnement identitaire a permis aux porteuses de projet de consolider leur storytelling, atout non négligeable face à des consommateurs de plus en plus attentifs à la traçabilité et à l’impact social des marques.
Synergie gouvernementale et partenaires multilatéraux
L’appui du ministère des PME se traduit par un alignement stratégique avec le Plan national de développement 2022-2026, lequel privilégie les chaînes de valeur locales. Pour Jacqueline Lydia Mikolo, « former, formaliser et financer demeurent la triade gagnante pour consolider le tissu des très petites entreprises ».
Le PNUD, partenaire historique de Brazzaville, a mobilisé six millions de francs CFA afin de couvrir les frais logistiques et de suivi post-formation. Cette contribution s’inscrit dans les objectifs de développement durable relatifs à la réduction de la pauvreté et à l’égalité des genres.
Flavie Lombo, présidente de la CNFCEEC, y voit une reconnaissance internationale : « Lorsque les partenaires valorisent notre expertise locale, cela crédibilise davantage nos modules auprès des investisseuses et investisseurs ».
Vers une cartographie nationale de l’incubation
Après Brazzaville, Pointe-Noire a ouvert sa propre session, tandis qu’Oyo, Dolisie et Ouesso se préparent. L’ambition chiffrée est claire : former mille femmes, soit deux cents par ville, afin de constituer un maillage entrepreneurial équilibré sur le territoire national.
Cette expansion géographique répond à une logique d’aménagement du territoire. Elle permet de transférer compétence et confiance vers des zones parfois éloignées des grands centres économiques, réduisant ainsi les déséquilibres inter-régionaux.
Les futures promotions bénéficieront d’un tronc commun puis de spécialisations adaptées aux écosystèmes locaux, qu’il s’agisse de l’agroforesterie à Ouesso ou des services portuaires à Pointe-Noire.
Autonomisation féminine et stabilité macroéconomique
Les économistes voient dans l’entrepreneuriat féminin un multiplicateur de résilience, car les revenus générés sont souvent réinvestis dans l’éducation et la santé familiales. Cette circulation interne des ressources soutient la demande intérieure, contribuant à l’équilibre budgétaire recherché par les autorités.
Selon la Commission économique pour l’Afrique, chaque point de pourcentage gagné par les femmes dans le tissu économique d’un pays d’Afrique centrale peut ajouter jusqu’à 0,3 point au PIB. Genius s’inscrit ainsi dans une trajectoire de croissance inclusive dont les effets devraient être mesurables d’ici trois ans.
Le cadre réglementaire congolais, favorable aux jeunes pousses grâce à un régime fiscal progressif et à un guichet unique des entreprises, complète ce cercle vertueux.
Cap sur les défis de la bancarisation
Le partenariat signé avec Ecobank, via le programme Ellever, cible l’un des verrous majeurs identifiés par les consultantes : l’accès au crédit. La bancarisation accélérée des lauréates permettra une traçabilité financière, condition incontournable pour séduire fonds d’impact et investisseurs privés.
Dès la fin du quatrième mois, chaque promotrice devra présenter un tableau de bord financier validé par un mentor. Cette discipline crée une culture du reporting compatible avec les standards internationaux et prépare les entreprises à d’éventuelles levées de fonds régionales.
Projection et gouvernance entrepreneuriale
À l’issue de la remise des certificats, un comité de suivi réunissant ministères, bailleurs et représentantes de la CNFCEEC a été installé. Il aura pour tâche de mesurer les indicateurs de performance : création d’emplois, chiffre d’affaires et contribution fiscale.
Pour le président Denis Sassou Nguesso, qui a souvent souligné « la valeur stratégique de la femme entrepreneure dans la diversification économique », cette initiative vient conforter le narratif d’un Congo tourné vers l’innovation inclusive. Les prochains mois diront comment ces diplômées convertiront leur savoir en moteurs de croissance.