Enjeux de la gouvernance locale au Congo
La gouvernance locale s’impose désormais comme l’un des leviers majeurs des politiques publiques congolaises. Des quartiers périphériques de Pointe-Noire aux districts forestiers de la Sangha, la capacité à planifier près du terrain conditionne l’efficacité des investissements et renforce la légitimité des institutions républicaines.
Brazzaville, qui porte une longue tradition centralisatrice, expérimente depuis une décennie un transfert progressif de compétences vers les communes et conseils départementaux. Ce tournant, salué par plusieurs partenaires techniques, répond à l’orientation fixée par le président Denis Sassou Nguesso en faveur d’un développement plus équilibré.
Pourtant, la déclinaison concrète de cette ambition reste tributaire d’outils opérationnels fiables, à commencer par les plans de développement locaux. Elaborer, financer, exécuter puis évaluer ces documents stratégiques requiert des compétences que de nombreux élus, récemment installés, découvrent encore.
Un atelier stratégique à Brazzaville
C’est dans ce contexte que le Centre d’actions pour le développement a réuni, le 11 juillet 2025, une trentaine d’élus, de fonctionnaires et de membres de la société civile. L’atelier s’est tenu dans une salle sobre du deuxième arrondissement, à quelques encablures du fleuve.
« Nous voulons que les collectivités passent d’une logique de listes de projets à une logique de résultats mesurables », a expliqué Guerschom Gobouang, responsable du programme Campagne et plaidoyer du CAD. Selon lui, l’absence de cadres de référence harmonisés rend l’action municipale vulnérable aux aléas politiques ou budgétaires.
Sous la houlette du directeur exécutif Trésor Nzila, les travaux ont alterné exposés méthodologiques et exercices pratiques. Les participants ont comparé leurs documents de planification aux standards internationaux, avant de simuler un cycle complet, de la collecte des données communautaires à l’évaluation participative finale.
Participation citoyenne et approche base-sommet
Le débat central de la journée a opposé l’approche traditionnelle, souvent décrite comme « sommet-base », à la démarche « base-sommet » que le CAD défend. Cette dernière part des priorités exprimées par les habitants pour influencer ensuite les arbitrages techniques et financiers des autorités locales.
« Quand une commune ignore la voix de ses quartiers périphériques, elle s’expose à des investissements inadaptés », a prévenu une conseillère municipale de Makélékélé. L’expérience d’autres pays d’Afrique centrale montre qu’un consensus précoce réduit les retards de chantiers et améliore la transparence budgétaire.
Les animateurs ont néanmoins rappelé que la participation citoyenne ne saurait se résumer à des réunions symboliques. Elle nécessite des données désagrégées, des mécanismes de retour d’information et une volonté politique assumée. Sur ce point, plusieurs maires ont demandé un appui technique accru du ministère de l’Intérieur.
Cadre juridique et soutien institutionnel
Depuis la révision de la loi de décentralisation de 2019, les collectivités disposent désormais d’une base juridique plus claire pour élaborer leurs plans. Le décret d’application publié en 2021 précise les étapes, du diagnostic participatif à la validation par le conseil municipal et le préfet.
Au Palais du Peuple, des députés suggèrent de créer un fonds national de cohésion territoriale. Pour le président de la commission des Finances, cet instrument garantirait une allocation plus équitable et protégerait les communes des fluctuations de recettes.
Sur le terrain, l’accompagnement technique est assuré par la Direction générale de la décentralisation. Ses équipes, renforcées avec l’appui de la Banque mondiale, diffusent des guides méthodologiques et supervisent la certification des plans adoptés. Cette supervision réduit les risques de chevauchement entre niveaux administratif et sectoriel.
Synergies internationales et financement durable
Le projet Appui à la gouvernance locale, financé par le Fonds des Nations pour la démocratie, illustre la convergence entre priorités nationales et agendas multilatéraux. D’un montant de 450 000 dollars, il s’étale jusqu’en 2025 et cible huit circonscriptions pilotes dans les départements côtiers et fluviaux.
Le Programme des Nations unies pour les établissements humains appuie aussi la cartographie des infrastructures. « Une donnée géolocalisée fiable est le socle d’une planification sérieuse », note un expert, rappelant que les ouvrages mal situés doublent les coûts.
Pour garantir la durée, l’atelier propose de créer des cellules d’ingénierie projet capables de monter des dossiers bancables auprès de la Caisse des dépôts. À Oyo, ce dispositif, lancé en 2023, a déjà financé trois adductions d’eau.
Perspectives pour les collectivités de demain
À l’issue des débats, les élus présents ont élaboré une feuille de route en sept engagements, parmi lesquels la tenue annuelle d’audiences budgétaires publiques. Ils se sont engagés à transmettre le document au ministère de l’Aménagement du territoire pour alignement avec la Stratégie nationale de développement.
Au-delà de la technique, plusieurs intervenants ont souligné que la gouvernance locale restera étroitement liée à la stabilité macroéconomique et à la paix civile, deux axes défendus par le chef de l’État dans son allocution du 15 août dernier. La cohérence verticale apparaît donc comme le véritable défi.
Le prochain atelier est prévu à Dolisie en octobre. D’ici là, les participants de Brazzaville s’emploieront à finaliser leurs matrices d’indicateurs. Ces jalons techniques pourront sembler modestes, mais ils constituent le socle d’une gouvernance locale durablement ancrée dans la réalité congolaise.
