Ce qu’il faut retenir
Trois jours durant, du 19 au 21 septembre 2025, la ville américaine de Harrisburg accueille l’African Cultural Festival, rendez-vous devenu incontournable pour la diaspora et les curieux. Mode, musique, artisanat et débats s’y rencontrent dans une ambiance festive et réflexive.
La présence remarquée de créateurs et de musiciens originaires du Congo-Brazzaville rappelle le rôle moteur de la culture dans le rayonnement du pays. Gratuit et ouvert à tous, l’événement mise sur l’échange interculturel pour tisser des passerelles économiques et intellectuelles entre continents.
City Island aux couleurs du continent
Le site verdoyant de City Island, posé sur la Susquehanna, se transforme en village africain éphémère. Tentes colorées, stands d’épices, scènes musicales et podiums de mode composent un parcours sensoriel. Les organisateurs revendiquent « une immersion totale », évoquant l’odeur du café éthiopien mêlée aux accords de guitare congolaise.
Chaque allée raconte un territoire. On passe d’un atelier de batik ghanéen à une démonstration de danse sud-africaine, puis à un bar à jus de bissap. Le public, familial et multigénérationnel, se surprend à voyager sans quitter la Pennsylvanie, preuve de l’attrait du soft power africain.
Créateurs congolais en première ligne
Le coup d’envoi est donné par le Fashion Show Africa Steeze, pensé comme un manifeste esthétique. Parmi les têtes d’affiche, la styliste brazzavilloise Clémence Tchikaya illumine le podium de robes en madras revisité, clin d’œil aux sapeurs congolais. « Partager notre élégance, c’est partager notre histoire », confie-t-elle.
Le collectif StreetSape, composé de jeunes designers de Pointe-Noire installés aux États-Unis, présente une ligne urbaine fabriquée en coton bio. Leur défilé, acclamé, illustre la capacité de la mode congolaise à conjuguer tradition textile et conscience environnementale, un argument de séduction pour les distributeurs présents.
Un marché artisanal, vitrine économique
Au cœur du festival, le marché regroupe cent vingt exposants venus de quinze pays. Les étals congolais, soutenus par la Chambre de commerce de Brazzaville, proposent sculpture sur bois, paniers en raphia et cosmétiques au beurre de mangue. Les ventes se concluent parfois en commande export, signalant un potentiel commercial.
Les ateliers participatifs attirent un public avide de gestes authentiques. Entre deux battements de djembé, la maître-tisserande Justine Mvoula explique la technique du pagne teint à l’indigo. « Chaque motif raconte un proverbe », précise-t-elle, rappelant que la création artisanale conserve une dimension éducative.
Scène musicale : de la rumba à l’afrobeat
La programmation musicale mélange des pointures confirmées à des talents émergents. Vendredi soir, le guitariste congolais Elie Nganga fait vibrer sa rumba au crépuscule, suivi de la star du highlife ghanéen Kofi Agyeman. Samedi, l’énergique DJ Naïro, originaire de Kinshasa, mêle afrobeats et samples électro.
Les spectateurs se laissent entraîner dans une transe collective. Les cercles de danse improvisés deviennent des lieux d’échanges linguistiques, où le lingala croise le créole haïtien. La musique sert de trait d’union, confirmant l’idée défendue par l’Unesco d’un patrimoine immatériel favorisant la cohésion sociale.
Penser l’Afrique et ses diasporas
Au-delà du divertissement, tables rondes et conférences offrent un espace de réflexion. Chercheurs, entrepreneurs et diplomates débattent d’innovation agricole, de mobilité académique et de finance inclusive. Le professeur congolais Théophile Mabiala souligne l’urgence « d’accompagner la jeunesse en misant sur les industries culturelles, catalyseurs d’emplois durables ».
Une session consacrée au numérique interroge le rôle des start-up de Brazzaville dans la protection des forêts du bassin du Congo grâce aux données satellites. Ces échanges montrent comment la diaspora se positionne en passerelle technologique, renforçant les priorités nationales en matière d’environnement et de diversification économique.
Et après ? Les retombées attendues
Les organisateurs espèrent dépasser le simple temps fort annuel. Un protocole d’entente est en discussion entre la mairie de Harrisburg et la ville de Brazzaville pour des résidences d’artistes croisées. Objectif : soutenir la professionnalisation des créateurs et ouvrir de nouveaux marchés aux produits labellisés Made in Congo.
Sur le plan touristique, l’événement sert de teaser à la Route des festivals afro-américains qui parcourt les États-Unis. Les acteurs congolais misent sur cet effet réseau pour promouvoir les destinations fluviales du fleuve Congo, argumentant qu’un touriste séduit par un rythme peut l’être par un paysage.