Un geste politique largement attendu
La brève note diffusée le 13 juillet sur le compte officiel du président camerounais aura suffi à lever le voile sur un secret de Polichinelle : Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, sollicite un nouveau mandat lors du scrutin fixé au 12 octobre 2025. L’annonce, sobre mais chargée de symboles, fait écho aux « appels pressants » venus, selon le communiqué, des dix régions du pays et d’une diaspora qui demeure attachée à la figure d’un chef d’État présenté comme garant d’une stabilité recherchée. Les observateurs s’accordaient depuis plusieurs mois à dire que la mécanique institutionnelle camerounaise, où le parti au pouvoir contrôle une majorité confortable à l’Assemblée, laissait peu de doute quant à ce dénouement.
Une longévité inhabituelle à l’échelle continentale
Le parcours de Paul Biya, ponctué de révisions constitutionnelles successives, confère à son profil une singularité dans le concert africain. Après plus de quatre décennies à la magistrature suprême, l’homme d’État se saisit de la perspective d’un huitième quinquennat pour inscrire son action dans la continuité. Les soutiens du président soulignent une expérience jugée précieuse dans un contexte international instable. Ses détracteurs, eux, pointent un verrouillage institutionnel qui limite l’alternance. Pour autant, la communication présidentielle prend soin d’articuler la notion de « pérennité » avec celle de « renouveau », nourrie par un discours sur le transfert progressif de responsabilités à une jeune génération de cadres administratifs.
Les enjeux sécuritaires et économiques en toile de fond
Difficile de dissocier la déclaration de candidature des questions sécuritaires auxquelles le Cameroun demeure confronté. La persistance des incursions de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, les défis liés au conflit dans les régions anglophones et la nécessité de sécuriser plusieurs projets énergétiques d’envergure nourrissent un argumentaire présidentiel centré sur la continuité stratégique. Sur le front économique, Yaoundé revendique une croissance résiliente – près de 4 % en 2024 selon la Banque des États de l’Afrique centrale – malgré des chocs exogènes sur la filière pétrolière et les matières premières. Le chef de l’État assure que ses priorités seront l’accélération des réformes monétaires régionales et la diversification des exportations, conditions préalables à une réduction durable de la pauvreté.
La diplomatie de Yaoundé face au calendrier électoral
Sur le plan international, Paul Biya cultive une image d’interlocuteur fiable auprès des capitales occidentales, tout en approfondissant, depuis la signature de plusieurs mémorandums en 2023, la coopération sécuritaire avec la Chine et la Russie. Les partenaires multilatéraux, de la Banque mondiale à la CEMAC, saluent généralement la capacité de Yaoundé à honorer ses engagements macro-financiers. À quelques mois du vote, la diplomatie camerounaise s’attelle à rassurer investisseurs et bailleurs sur la prévisibilité des politiques publiques, insistant sur la solidité des institutions et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée. Le voisinage immédiat, dont le Congo-Brazzaville avec lequel un dialogue régulier est maintenu, observe sans hostilité cette séquence électorale perçue comme un facteur de continuité régionale.
Les réactions internes et régionales
À Yaoundé, l’annonce a provoqué une succession de messages de soutien de la part des élites traditionnelles et des chefs d’entreprise, régulièrement consultés au Palais de l’Unité. Les principales formations d’opposition rappellent néanmoins leur exigence d’une Commission électorale plus indépendante et de garanties sur la liberté d’expression pendant la campagne. Sur les réseaux sociaux, la jeunesse urbaine oscille entre ironie et attente de signaux concrets sur l’emploi et la gouvernance locale. Sur la scène régionale, l’Union africaine a salué « la maturité politique du Cameroun », tandis que la Communauté économique des États de l’Afrique centrale s’est engagée à déployer une mission d’observation pour « accompagner le processus dans le respect de la souveraineté nationale ».
Vers une campagne sous contrôle institutionnel
Selon le calendrier préliminaire rendu public par Élections Cameroun, les opérations de révision des listes doivent s’achever au plus tard en août, laissant à l’appareil partisan du Rassemblement démocratique du peuple camerounais la tâche de transformer l’avantage institutionnel en dynamique populaire. Si la communication officielle continue de marteler le thème de la sécurité, elle mise également sur des réalisations visibles : mise en service d’axes routiers stratégiques, extension des réseaux de distribution d’électricité et réhabilitation de pôles universitaires. Aux yeux des chancelleries, la prochaine échéance représentera moins un test de compétitivité électorale qu’une évaluation de la capacité de l’État à organiser un scrutin pacifique, condition sine qua non pour maintenir le flux d’investissements directs étrangers.
Entre continuité assumée et attentes de réformes
À l’issue d’une carrière marquée par la prudence diplomatique et l’insistance sur la stabilité intérieure, Paul Biya aborde cette nouvelle compétition électorale avec un double pari : préserver l’ordre institutionnel tout en faisant place, à la marge, à des ajustements exigés par une société camerounaise plus connectée et exigeante. Les partenaires internationaux, notamment ceux engagés dans la lutte contre le terrorisme et la transition énergétique, suivront de près la campagne, conscients que la solidité du Cameroun demeure un facteur de résilience pour l’ensemble du Golfe de Guinée. Reste à savoir si les urnes du 12 octobre confirmeront la prime à l’expérience ou ouvriront un cycle inédit de transition maîtrisée – un enjeu qui, dans tous les cas, dépasse largement les frontières camerounaises.