Une pédagogie de la foi au service du vivre-ensemble national
Sous les frondaisons du quartier Moukondo, l’École de dimanche de l’Église évangélique du Congo a refermé ses volets annuels par une retraite spirituelle qui aura rassemblé, trois jours durant, plus d’une centaine d’enfants et d’adolescents. Au-delà de l’événement liturgique, l’exercice illustre la place qu’occupent désormais les confessions religieuses dans l’architecture éducative congolaise : un rôle d’auxiliaire, parfois discret mais décisif, pour consolider la cohésion sociale et le patriotisme civique.
Le thème retenu – « Vivre à l’image de Joseph » – résonne avec les priorités gouvernementales en matière de moralisation de la jeunesse. Le récit biblique du fils de Jacob, modèle d’intégrité dans l’adversité, sert ici de canevas à une pédagogie orientée vers le rejet des antivaleurs. « Nous voulons former des citoyens capables de dire non à la tentation, qu’elle soit économique ou morale », confie le directeur de l’école, M. Yena Koumba Leonel, rappelant que l’édification de la nation repose sur l’exemple donné dès l’enfance.
La gymnique comme métaphore de la résilience citoyenne
Point d’austérité dans cette approche catéchétique : les moniteurs ont fait le pari de la mise en mouvement. Les chorégraphies gymniques, minutieusement répétées, traduisent symboliquement les combats intérieurs que tout individu affronte face aux dérives de l’époque. Chaque figure, enchaînée avec grâce, illustre une vertu – honnêteté, persévérance ou solidarité – comme pour rappeler que la construction d’un corps agile va de pair avec celle d’un esprit éclairé.
La démarche n’est pas sans écho aux recommandations du ministère des Sports et de l’Éducation physique, qui plaide pour une généralisation des activités corporelles à visée éducative. En ce sens, l’Ecodi démontre qu’une synergie constructive entre institutions religieuses et politiques publiques peut produire des modèles réplicables à l’échelle nationale.
Un vecteur complémentaire aux politiques publiques de la jeunesse
Le gouvernement congolais multiplie depuis plusieurs années les initiatives en faveur d’une jeunesse épanouie et responsable : Fonds national d’insertion, programmes de formation civique, campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux. L’action ecclésiale, loin de se substituer à ces dispositifs, en renforce la portée en investissant le terrain symbolique et affectif auquel l’État a difficilement accès.
La séquence de Moukondo illustre, par ricochet, la stratégie nationale de prévention de la délinquance juvénile. Les messages portés par les enfants – refus du vol, du viol et de la corruption – convergent avec les textes législatifs récents promouvant la transparence et la lutte contre les antivaleurs. Le pasteur responsable, André Loussouké, souligne d’ailleurs « l’importance de nourrir les consciences plutôt que de sanctionner des écarts déjà consommés ».
Entre multilinguisme et médias : le laboratoire de Canal Ecodi
L’innovation n’est pas uniquement gestuelle : elle est aussi médiatique. Simulé devant le public, le journal “Canal Ecodi” fait entendre, en l’espace de quelques minutes, le lingala, le lari, le mbochi, le français et l’anglais. Ce plurilinguisme reflète le visage sociolinguistique du Congo et prépare les jeunes à évoluer dans un espace public où la diversité linguistique demeure un atout diplomatique.
La portion dédiée à l’honnêteté, insérée dans ce bulletin fictif, offre un commentaire civique d’une rare clarté. En se réappropriant les codes de l’information radiophonique, les enfants deviennent acteurs et non plus simples récepteurs d’un discours normatif. Ils apprennent ainsi à décrypter l’actualité, aptitude indispensable à la formation de citoyens éclairés et, partant, d’interlocuteurs crédibles sur la scène africaine.
Convergences institutionnelles autour de l’éthique publique
La proximité des messages délivrés par l’Ecodi avec les axes de la Stratégie nationale de développement 2022-2026 atteste d’une convergence de vues entre les pouvoirs publics et les confessions. Dans un environnement sous-régional où l’extrémisme violent tente parfois de recruter parmi les laissés-pour-compte, la mise en avant de valeurs partagées constitue un rempart précieux.
Certains diplomates accrédités à Brazzaville y voient un exemple de diplomatie préventive interne : en consolidant le tissu social à la base, l’État réduit la vulnérabilité de sa jeunesse aux influences déstabilisatrices. « Ce travail catéchétique complète nos programmes de stabilisation », observe un conseiller d’ambassade présent lors de la cérémonie, saluant la « pédagogie douce mais efficace » de l’Ecodi.
Perspectives régionales depuis Kinkala : vers une diplomatie paroissiale
Annoncé pour septembre, le camp de Kinkala s’inscrit dans une logique d’ouverture territoriale. Située dans le département du Pool, longtemps sensible, la localité devient l’épicentre d’une diplomatie paroissiale qui privilégie la rencontre, le dialogue intergénérationnel et la découverte des réalités rurales. Les organisateurs espèrent que cette délocalisation favorisera l’échange d’expériences entre jeunes issus d’environnements urbains et périurbains, contribuant ainsi à la réconciliation durable des territoires.
Dans la perspective des objectifs de développement durable, la démarche préfigure un plaidoyer en faveur de la cohésion territoriale, complément indispensable à la croissance économique. Au-delà de l’esprit liturgique, l’initiative s’affirme comme un maillon subtil de la projection d’influence congolaise : former des citoyens équilibrés, c’est préparer des relais crédibles pour la diplomatie des décennies à venir.
D’un repas partagé à une vision d’avenir
La retraite s’est achevée sur un repas collectif, symbole tangible du partage et de la convivialité. Derrière la simplicité de ce geste se lit la volonté de matérialiser, ne fût-ce qu’un instant, la société de confiance que les encadrants appellent de leurs vœux. Les moniteurs fraîchement consacrés y ont reçu la bénédiction pastorale, prenant, selon leurs propres mots, « l’engagement de transmettre un héritage moral, culturel et citoyen ».
À Moukondo, la jeunesse congolaise prouve qu’elle peut conjuguer ferveur spirituelle et sens aigu de la responsabilité publique. Confortée par une coopération apaisée avec les autorités, l’Ecodi offre un laboratoire où se dessine, en filigrane, la silhouette d’un Congo qui sait investir dans son capital humain pour consolider sa paix et rayonner, demain, sur la scène africaine et internationale.