Rayonnement congolais sur le sautoir d’Alger
Lorsqu’elle s’est élancée pour son cinquième essai dans le stade flambant neuf de Ben Aknoun, à Alger, Gladise Boukama Ndoulou ne disputait pas seulement une médaille ; elle matérialisait l’ambition d’un pays. Son bond victorieux, mesuré à 5,44 m, a devancé d’une marge symbolique mais décisive la Gambienne Sanneh Serreh et la Tunisienne Rekik Rahma, scellant l’unique médaille d’or congolaise des premiers Jeux scolaires africains. Déjà médaillée de bronze sur 100 m quelques heures plus tôt, la lycéenne de Brazzaville a montré une polyvalence saluée par l’entraîneur national, qui évoque « une graine de championne façonnée par la rigueur académique et l’encadrement fédéral ».
Au-delà de l’exploit personnel, l’étudiante de 17 ans a offert au drapeau tricolore un instant de fierté collective, immédiatement relayé par les réseaux sociaux et célébré par le ministère en charge des Sports. Celui-ci insiste sur le « travail de fond engagé depuis plusieurs saisons dans l’identification des talents scolaires » et souligne combien cette consécration féminine illustre la volonté de féminiser la haute performance.
Un tableau de médailles révélateur de potentiels
La délégation congolaise, modeste par le nombre – six athlètes répartis entre athlétisme, gymnastique, judo et taekwondo – quitte Alger avec quatre breloques, dont trois de bronze, arrachées sur les tatamis par Symphora Mankala (–52 kg) et Divine Mpiaya Massala (–57 kg). À première vue, le butin peut paraître limité. Pourtant, ramené à la dimension restreinte de la délégation et à la densité concurrentielle des cinquante-quatre nations africaines représentées, il témoigne d’un rapport rendement/effectif que plusieurs observateurs internationaux jugent « particulièrement efficient ».
Cette efficacité rappelle l’argument développé par la présidence du Comité national olympique et sportif congolais : privilégier la qualité à la quantité afin d’optimiser l’accompagnement budgétaire dans un contexte économique contraint. La méthode, inspirée des plans de performance ciblée adoptés par nombre de nations émergentes, paraît porter ses fruits et confirme qu’un investissement maîtrisé peut générer un impact symbolique élevé sur la scène continentale.
Jeunesse et diplomatie sportive : une stratégie assumée
Au-delà de la quête de podiums, la diplomatie congolaise inscrit ces Jeux scolaires dans une vision plus large : faire du sport un vecteur de rayonnement et de cohésion. « Former des jeunes champions, c’est préparer les ambassadeurs culturels de demain », rappelait récemment Léon Alfred Opimbat, ministre des Sports et de l’Éducation physique, en soulignant la convergence des politiques éducatives et sportives.
Cette approche est encouragée par l’Association des Comités nationaux olympiques d’Afrique, initiatrice de l’événement. En fédérant 3 500 compétiteurs âgés de 14 à 17 ans, l’institution entend créer un vivier pérenne pour les Jeux africains de la jeunesse et, à terme, pour les Olympiades. Dès lors, la performance de Boukama Ndoulou s’inscrit dans une trajectoire planifiée, où l’accompagnement psycho-pédagogique est considéré comme indissociable de l’entraînement technique.
Cap sur la formation de l’élite athlétique africaine
Le succès congolais réactive un débat récurrent : comment transformer l’étincelle scolaire en flamme olympique ? Brazzaville mise sur un maillage d’internats sportifs, inaugurés ces trois dernières années, et sur la coopération avec des fédérations étrangères disposées à partager leur expertise. Les premiers protocoles d’échanges, signés avec la France et le Maroc, prévoient des stages biannuels pour les disciplines techniques telles que le judo et la gymnastique.
Les partenaires multilatéraux ne s’y trompent pas. La Banque africaine de développement, lors de son dernier rapport sectoriel, a cité le Congo parmi les pays « sachant utiliser l’événementiel sportif pour diversifier leur image économique ». Car l’enjeu dépasse la simple arène. Il s’agit aussi d’attirer des investissements structurants dans la santé, l’éducation et l’infrastructure, domaines où la pratique sportive crée des externalités positives mesurables.
Dans cette perspective, la médaille de Boukama Ndoulou résonne comme une invitation à consolider les acquis. Sur le tarmac d’Olombo, en rentrant d’Alger, la jeune championne déclarait, le regard déjà tourné vers les Jeux africains de la jeunesse 2025 : « Ce n’est qu’un début, nous avons la responsabilité de porter plus haut les couleurs du Congo ». Une promesse qui, au-delà de sa dimension sportive, cristallise la confiance d’une nation dans la vigueur de sa jeunesse.
