Ce qu’il faut retenir
De Maurice au Gabon, Emmanuel Macron déroule une tournée de quatre pays pour défendre « un partenariat plus équilibré » avec l’Afrique, centré sur la jeunesse, l’économie et la mémoire partagée, conformément à la ligne élyséenne d’un renouvellement du narratif franco-africain.
Escales de l’océan Indien à l’Atlantique
Le chef de l’État français a ouvert le bal à Port-Louis, vantant la coopération climatique de l’océan Indien. Il doit ensuite défendre l’industrie verte en Afrique du Sud, consolider les filières agricoles en Angola et retrouver Brice Oligui Nguema à Libreville.
Chaque étape, assure l’Élysée, vise à montrer une France « partenaire de solutions » plutôt qu’un ex-pouvoir tutélaire ; la séquence intervient alors que Paris voit son influence contestée, notamment après son retrait militaire du Sahel.
Jeunesse, économie et mémoire au menu
Sur le registre économique, Emmanuel Macron promet des partenariats « faisant plus de place aux entrepreneurs locaux » et entend consacrer des enveloppes dédiées à la formation numérique de la jeunesse, thème jugé fédérateur des deux rives.
Le volet mémoriel n’est pas oublié : le président évoquera, selon Afrik.com, des collaborations muséales et la poursuite des restitutions d’objets d’art, afin de refermer symboliquement certaines pages du passé colonial.
Contexte: Paris en quête d’un nouveau récit
Cette tournée se déploie dans un climat africain contrasté. Dans plusieurs capitales, les manifestations hostiles des derniers mois rappellent que les récits d’influence ne se jouent plus seulement entre chancelleries, mais aussi dans l’espace public et sur les réseaux.
Consciente de la défiance, la diplomatie française multiplie les signaux d’écoute : format plus court des discours, recours à des entrepreneurs locaux comme porte-voix et mise en avant de projets cofinancés par l’Agence française de développement.
Burkina Faso: ironie d’une presse critique
La presse burkinabè observe néanmoins la séquence avec sarcasme. « Chassée du Sahel, la France cherche un second souffle », titre Le Pays, estimant que l’ancienne puissance doit désormais se contenter d’un rôle de partenaire ordinaire.
L’Observateur Paalga pousse l’ironie plus loin, s’interrogeant sur « le coq gaulois à la recherche d’une nouvelle basse-cour » et rappelant que « le deuil d’un passé de conquérant » reste difficile à faire pour certains cercles parisiens.
Gabon: alliance stratégique entretenue
À Libreville, Jeune Afrique décrit des « retrouvailles très attendues » entre Emmanuel Macron et le président de transition Brice Oligui Nguema. Paris entend conforter l’un de ses partenaires les plus constants au moment où son étoile pâlit ailleurs.
Un tête-à-tête est programmé au palais du Bord de mer. Les conseillers évoquent un agenda climato-forestier et la promotion de la francophonie économique, deux thèmes qui permettent d’éviter le terrain sensible des récentes affaires judiciaires touchant la famille Bongo.
Jeune Afrique note que l’exécutif français « s’est gardé de commenter » la condamnation de Sylvia et Nourredine Bongo à vingt ans de prison. Cette réserve illustre la volonté de maintenir un dialogue pragmatique malgré les turbulences intérieures gabonaises.
Cameroun: bataille post-électorale
Au Cameroun, la présidentielle continue d’occuper l’espace médiatique six semaines après le scrutin. L’avocate Alice Nkom a accordé un entretien à la Deutsche Welle pour soutenir Issa Tchiroma Bakary, qui revendique toujours la victoire et appelle à une « journée ville morte ».
« Lorsque vous avez le peuple avec vous, vous avez forcément la légitimité », martèle-t-elle, qualifiant le vainqueur officiel de « voleur ». Ses propos amplifient un débat déjà nourri par la diaspora, mobilisée pour féliciter l’opposant pour sa « victoire ».
Les autorités camerounaises n’ont pas réagi à ces déclarations, mais Actu Cameroun souligne que l’appel à descendre dans la rue constitue un test de mobilisation susceptible de redessiner la scène politique locale.
Le point économique
Selon l’Élysée, la visite pourrait déboucher sur des accords totalisant plusieurs centaines de millions d’euros, principalement dans l’agroalimentaire angolais et l’hydrogène vert sud-africain. Paris mise sur une logique gagnant-gagnant mettant en avant les chaînes de valeur locales et la création annoncée de fonds dédiés aux start-up régionales à l’échelle continentale.
Mémoire et culture partagée
Le travail mémoriel, souvent intangible, s’ancre pourtant dans le concret. Emmanuel Macron devrait confirmer la restitution prochaine de pièces conservées au quai Branly et financer des résidences croisées d’artistes, gages d’une narration partagée susceptible d’apaiser certaines crispations symboliques des deux côtés de la Méditerranée et de l’Atlantique.
Scénarios et après ?
Le succès de la tournée de Macron se mesurera autant aux annonces concrètes qu’à la perception populaire. Un selfie devenu viral à Port-Louis pourrait peser autant qu’un protocole financier signé à Johannesburg.
Si la ligne du partenariat équilibré prend racine, Paris disposerait d’une feuille de route actualisée pour ses futures interventions en Afrique australe et centrale. Sinon, les critiques burkinabè risquent de trouver écho dans d’autres capitales.
Pour l’heure, le président français poursuit son marathon diplomatique, conscient que chaque image, chaque silence ou chaque citation fera aussitôt l’objet d’un décryptage local. La nouvelle grammaire franco-africaine s’écrit donc en direct et sous le regard critique, attentif et exigeant, d’un continent.
