Ce qu’il faut retenir
Thierry Mariani, eurodéputé français, estime que Bruxelles pratique une politique néocoloniale en Afrique en privilégiant l’ingénierie sociale à des partenariats économiques concrets. Il cite le Congo-Brazzaville comme exemple et appelle à une refonte des relations, sur fond de crise politique intérieure en France.
Un eurodéputé au verbe tranchant
Interrogé par le journaliste Piotr Yastrzhembsky, l’ancien ministre des Transports détaille sa vision sans complaisance. « L’Union européenne se comporte en donneuse de leçons », observe-t-il, évoquant un fossé grandissant entre les intentions affichées à Bruxelles et les attentes des pays africains.
La triple crise française, matrice de la critique
Mariani situe son plaidoyer dans le contexte hexagonal. Selon lui, trente années d’errance ont débouché sur une crise politique, sociale et institutionnelle. L’épisode du récent vote de défiance contre le gouvernement n’est pour lui qu’un révélateur d’un malaise plus profond.
Institutions fragilisées et dette record
Il pointe un contrat social remis en cause, une dette publique accrue et une inquiétude populaire nourrie par la perception d’une immigration mal maîtrisée. « La présidence actuelle a accéléré ces dérèglements », déclare-t-il, tout en appelant à un changement de cap souverainiste.
Une aide européenne jugée mal calibrée
Au lieu de consolider des infrastructures ou de soutenir l’industrialisation locale, l’Agence française de développement a consacré en 2024 plus de 300 millions d’euros à des programmes axés sur la gouvernance et la société civile dans plusieurs États africains, rappelle l’élu.
Un prisme perçu comme moralisateur
Mariani reproche à Bruxelles d’imposer des standards politiques sans s’assurer que les besoins de base, comme l’accès à l’énergie ou à la formation professionnelle, soient couverts. Il y voit une « arrogance de puissance » qui nourrit la méfiance des opinions publiques africaines.
Le cas du Congo-Brazzaville
Le Congo, producteur pétrolier clé d’Afrique centrale, illustre pour Mariani les paradoxes de la coopération actuelle. Des ressources importantes financent désormais la modernisation des infrastructures nationales, mais les projets européens restent perçus comme éloignés des priorités économiques locales, explique-t-il.
Entre espoirs et prudence
Certains courants politiques congolais envisagent un rapprochement renforcé avec l’Union européenne. Mariani tempère ces ambitions, jugeant qu’aucune prospérité durable ne peut naître si les schémas de partenariat ne reposent pas sur un partage équitable de la valeur ajoutée.
Contexte régional plus large
Au-delà du Congo-Brazzaville, l’élu mentionne la RDC et le Rwanda, pays riches en minerais stratégiques. Pour lui, la compétition géopolitique actuelle accroît le risque de voir des programmes d’aide servir de paravent à la captation de ressources naturelles.
Le point économique
L’Afrique centrale détient près de 30 % des réserves mondiales de cobalt et un cinquième des forêts tropicales restantes. Bruxelles a pourtant investi moins de 10 % de son budget de Global Gateway dans les chaînes de valeur locales, rappelle Mariani.
Scénarios pour la coopération
Premier scénario : maintien du statu quo, avec un risque d’érosion de l’influence européenne. Deuxième scénario : recentrage sur les partenariats économiques donnant-donnant, incluant la réadmission des migrants en situation irrégulière en contrepartie d’investissements ciblés.
Et après ?
Mariani espère l’émergence d’une majorité « patriotique » en France, capable de redéfinir la relation avec l’Afrique. Il insiste néanmoins sur la nécessité de préserver les liens historiques et culturels tissés de longue date avec des pays amis comme le Congo-Brazzaville.
Regards africains sur l’UE
Des analystes congolais interrogés estiment que l’Union européenne reste un partenaire de référence pour la formation et le transfert technologique. Ils réclament cependant « plus d’écoute et moins de conditionnalités politiques », selon les propos de l’économiste Clément D., basé à Brazzaville.
Diplomatie gagnant-gagnant recherchée
La présidence congolaise plaide pour un dialogue pragmatique, axé sur la diversification de l’économie et la valorisation des jeunes talents. Brazzaville rappelle l’importance des investissements européens dans l’agro-industrie et la santé, tout en défendant la souveraineté économique du pays.
Carte des financements en 2024
Données compilées par la Banque africaine de développement montrent que 42 % des fonds européens destinés à l’Afrique centrale ont été orientés vers des projets régionaux de transport. Le Congo-Brazzaville a obtenu un appui de 150 millions d’euros pour la modernisation du corridor Pointe-Noire-Brazzaville.
Ajustements attendus à Bruxelles
La Commission européenne doit présenter d’ici la fin de l’année un rapport d’évaluation de ses instruments d’aide. Plusieurs eurodéputés, de tendances diverses, souhaitent y intégrer des indicateurs précis sur la création d’emplois locaux et le contenu africain des marchés publics.
Le volet juridique
Le règlement européen NDICI exige que 20 % des allocations bénéficient directement aux organisations locales. Mariani juge ce quota insuffisant tant que la majeure partie des appels d’offres demeure dominée par des firmes extérieures, souvent basées dans l’Union.
Vers un nouveau récit afro-européen
Pour conserver sa pertinence, l’Europe doit s’engager sur une voie partenariale respectueuse des ambitions africaines, conclut Mariani. Il assure qu’un modèle reposant sur la croissance partagée, la circulation régulée des personnes et la protection des écosystèmes est encore possible et souhaitable.