Ce qu’il faut retenir
Le message de félicitations adressé par le roi Mohammed VI au président de transition malien, le général Assimi Goïta, pour la fête nationale du 22 septembre réaffirme la disponibilité permanente du Maroc à coopérer avec le Mali afin de promouvoir une Afrique plus stable, unie et prospère.
Contexte historique Maroc-Mali
Ces formules protocolaires s’inscrivent dans une relation multiséculaire marquée par le commerce transsaharien, la propagation de l’islam malikite et des échanges dynastiques entre Tombouctou et Fès, autant de liens qui nourrissent aujourd’hui encore un capital de confiance rare sur l’axe Rabat-Bamako depuis les premiers sultans.
Au fil des décennies post-indépendance, Rabat a multiplié les bourses universitaires, les formations d’imams et les missions médicales au Mali, tandis que les grands groupes marocains s’y sont implantés dans la banque, les télécoms et le BTP, posant les jalons d’une coopération multidimensionnelle durable aujourd’hui.
La transition politique ouverte à Bamako depuis 2020 a redéfini les alliances régionales ; la sortie annoncée de la CEDEAO et la recherche d’appuis sécuritaires ont donné au Maroc l’occasion de renforcer son profil de partenaire fiable, sans s’ingérer dans les choix souverains maliens internes.
Diplomatie Sud-Sud proactive
Rabat s’appuie sur la doctrine royale de coopération Sud-Sud, qui privilégie les projets générateurs d’emplois et de valeur ajoutée locale, pour proposer à Bamako un véritable package diplomatique allant de la formation militaire à l’accès à l’océan Atlantique via les corridors sahariens en pleine maturation.
Cette ouverture atlantique, rappelée dans le message royal, répond aux contraintes logistiques des États sahéliens enclavés ; elle promet de réduire les délais d’approvisionnement, de diversifier les exportations agricoles maliennes et de connecter les zones minières aux ports marocains en construction ou modernisation actuelle rapide.
L’engagement marocain s’inscrit enfin dans une stratégie sécuritaire plus large : former des officiers maliens à la lutte antiterroriste, partager un savoir-faire en renseignement humain et miser sur le développement pour assécher le terreau de l’instabilité dans la région des trois frontières du Sahel central.
Scénarios de coopération sahélienne
Le premier scénario table sur la montée en puissance d’un axe Rabat-Bamako-Ouagadougou, favorisé par le retrait simultané du Burkina Faso de la CEDEAO ; une chaîne logistique commune pourrait émerger, réduisant les coûts de transit et créant un marché de 60 millions de consommateurs internes intégrés.
Un second scénario, plus ambitieux, verrait l’Algérie se joindre au projet atlantique via la plateforme portuaire de Nador, ouvrant un corridor transmaghrébin vers Gao ; ce rapprochement triangulaire, encore hypothétique, serait de nature à atténuer les tensions actuelles dans la bande saharo-sahélienne et favoriser l’intégration.
Enfin, un scénario minimaliste miserait sur des accords bilatéraux sectoriels, déjà en cours de négociation, couvrant l’énergie solaire, l’assurance-récolte et le tourisme religieux lié aux confréries soufies ; même fragmentée, cette approche offrirait des résultats rapides et politiquement moins sensibles pour les autorités maliennes actuelles.
Du côté marocain, les opérateurs privés se montrent attentifs aux garanties juridiques exigées par les bailleurs ; Bank of Africa, filiale du Groupe BMCE, estime que la consolidation des codes miniers et des dispositifs de paiement mobile au Mali serait un catalyseur pour de nouveaux investissements manufacturiers.
Et après ? Feuille de route atlantique
Le chef de l’État malien a salué, dans sa réponse, « une offre porteuse d’avenir pour nos jeunesses ». Selon la présidence, une commission mixte sera relancée d’ici la fin de l’année pour identifier les tronçons routiers et ferroviaires à raccorder au port de Dakhla atlantique stratégique.
Parallèlement, le ministère marocain de l’Investissement prépare un fonds spécial dédié aux infrastructures sahéliennes, abondé par des partenaires du Golfe et la Banque africaine de développement ; les premiers décaissements pourraient concerner la rénovation de la ligne Bamako-Kayes, maillon crucial vers le futur corridor atlantique.
Les observateurs notent toutefois que la réussite logistique dépendra de la sécurisation durable de la RN15, régulièrement ciblée par les groupes armés non étatiques ; à cet égard, la coopération militaire, discrète mais constante, entre Rabat et Bamako devient la clef de voûte du projet.
De son côté, l’Union africaine suit le dossier avec intérêt ; une mission d’évaluation conjointe pourrait être dépêchée afin de baliser un futur statut de corridor continental, compatible avec l’Accord de libre-échange africain et les objectifs de la Décennie des infrastructures continentales en pleine élaboration.
Perspectives régionales
Si elle aboutit, l’intégration logistique Maroc-Mali illustrera la capacité africaine à proposer des solutions endogènes aux crises du Sahel, en phase avec l’Agenda 2063 ; elle renforcera également le rôle du royaume chérifien comme trait d’union diplomatique entre Atlantique et Sahara et bassin du Congo élargi.
Au-delà de la symbolique, le message royal rappelle que la diplomatie africaine dispose d’outils pragmatiques pour concilier souveraineté, sécurité et développement ; la prochaine étape consistera à traduire les déclarations en chantiers tangibles, sous l’œil attentif de partenaires publics et privés déjà prêts à s’engager.
