Héritier d’une icône musicale, cinéaste engagé
À Brazzaville, l’acteur-scénariste-réalisateur Gilles Djibril Miakalououa incarne une nouvelle génération de créateurs qui font converger image et son pour raconter la société congolaise. À 46 ans, il revendique l’héritage musical de sa mère sans quitter les plateaux de tournage.
Sa trajectoire, soutenue par la carte professionnelle délivrée par le ministère de l’Industrie culturelle, illustre les possibilités qu’offre désormais le cadre réglementaire modernisé, notamment depuis le décret de 2022 favorisant la création audiovisuelle et l’accès aux espaces publics de diffusion.
Fusion image-son, une réponse aux attentes du public
Fils de la chanteuse Marie Jacqueline Mazioka, connue sous le nom de Jacquito Mpoungou, Miakalououa confie qu’il « intègre la musique dans le cinéma pour toucher un public qui perçoit d’abord les images ». Cette hybridation séduit une jeunesse connectée aux plateformes numériques.
Formé dans la troupe Artiste Le Renouveau auprès de Jean-Claude Loukalamou, lui-même compagnon de Sony Labou Tansi, l’auteur s’est aguerri avant de rejoindre, en 2010, un casting conduit par le général Norbert Dabira pour le long métrage inachevé « Le Destin ».
De la formation au professionnalisme reconnu
Cette expérience lui ouvre les portes de la DRTV, puis celles d’un réalisateur camerounais qui l’engage comme dialoguiste. « J’ai appris le scénario sur le tas, avec les conseils du doyen Sébastien Kamba », explique-t-il, saluant la transmission intergénérationnelle au sein du cinéma congolais.
À l’heure où le Fonds national de soutien à la culture multiplie les appels à projets, Miakalououa termine le montage de « Congo Lousse », court métrage décrivant les liens parfois tendus entre producteurs et réalisateurs. Le film veut servir de laboratoire pédagogique pour les jeunes techniciens.
Obstacles structurels et réponses institutionnelles
Le créateur pointe cependant deux obstacles récurrents : la rareté des espaces de répétition et l’absence de mécénat privé capable de consolider les budgets de tournage. Ces contraintes, partagées par nombre de ses collègues, freinent l’exportation d’œuvres pourtant saluées dans les festivals régionaux.
Les autorités encouragent la synergie public-privé en facilitant l’accès aux crédits bancaires adossés au mécanisme de garantie mis en place par la Banque postale du Congo. Depuis janvier, trois studios brazzavillois ont ainsi bénéficié d’avances remboursables pour moderniser leur équipement et mutualiser la post-production.
« Tara mé » et la narration des réalités familiales
Dans ce contexte, le projet de long métrage « Tara mé » aborde la jalousie dans les foyers recomposés, thème sociétal d’actualité. Le cinéaste entend déposer le dossier auprès de la Commission du Fonds d’aide à la production avant la fin du semestre pour garantir son bouclage financier.
Miakalououa précise que le scénario met en scène une mère favorisant son enfant au détriment de celui de son époux, jusqu’au drame. « Je veux questionner la cellule familiale sans moraliser », affirme-t-il, espérant que le film servira également d’outil de sensibilisation pour les associations féminines.
Série « Ntémbé za wa » et coproduction régionale
En parallèle, la série de cinquante-deux épisodes « Ntémbé za wa » explore les subtilités du droit coutumier à travers le destin d’une veuve qui refuse de sortir du lignage de son mari pour préserver l’héritage familial. Le concept suscite l’intérêt des chaînes panafricaines en quête de contenus premium.
Faute de producteur principal, l’équipe cherche un partenariat de coproduction Sud-Sud, modèle déjà promu par la Commission économique des États de l’Afrique centrale. « Il suffit d’un pilote crédible pour déclencher la levée de fonds », estime Aimé Mondzali, consultant basé à Pointe-Noire.
Vers un écosystème durable du septième art congolais
Plus largement, plusieurs réalisateurs réclament l’organisation d’assises nationales du secteur pour harmoniser les contrats, préciser les droits voisins et simplifier la délivrance des certificats de diffusion. La proposition, à l’étude au ministère, pourrait aboutir avant le Forum panafricain des industries culturelles annoncé à Brazzaville.
Selon le professeur de droit Jean-Rémy Bampili, « un cadre clair renforcera la confiance des investisseurs et dopera l’emploi qualifié ». Le Centre national du cinéma, dont la création est envisagée, fédérerait les acteurs, défendrait la propriété intellectuelle et soutiendrait la diplomatie culturelle congolaise.
Rayonnement diplomatique et circulation des œuvres
Pour la diplomate rwandaise Félicité Habimana, invitée régulière du Fespaco, « la production congolaise a gagné en maturité narrative ». Elle considère Brazzaville comme un hub potentiel reliant les marchés francophones et lusophones, à l’heure où la Zone de libre-échange continentale ouvre de nouveaux débouchés.
À court terme, Miakalououa table sur une première de « Tara mé » dans la capitale avant une tournée diplomatique des instituts culturels congolais. Il résume sa vision : « Si nos films circulent, notre musique aussi suivra, et c’est toute la nation qui gagne en rayonnement ».
Diffusion nationale élargie et inclusion territoriale
L’amélioration récente de la haute définition sur Télé Congo renforce cette dynamique. La chaîne publique s’est engagée à diffuser chaque trimestre un film national en première partie de soirée, mesure saluée par l’Organisation congolaise des scénaristes comme « un pas décisif vers la souveraineté culturelle ».
Sur le terrain, des mobile-cinémas subventionnés parcourent désormais les départements afin de projeter des courts métrages en langues locales. Le programme, coordonné par la Fondation Perspectives d’avenir, a déjà touché plus de trente-cinq mille spectateurs, favorisant la cohésion sociale dans les zones rurales et suscitant de nouvelles vocations artistiques.
