Les défis d’une électrification tardive
Après plus d’un siècle d’électrification chaotique, l’Afrique se trouve à la croisée des chemins pour rattraper son retard énergétique. En effet, durant le Forum africain de l’énergie de 2025 tenu au Cap, la Banque africaine de développement (BAD) a dévoilé une stratégie ambitieuse : raccorder 300 millions d’Africains d’ici 2030. Le défi est colossal pour un continent où environ 600 millions de personnes vivent encore sans électricité.
L’histoire de l’électrification en Afrique est jalonnée de promesses non tenues. Dès 1860, l’Afrique du Sud avait montré des signes précurseurs avec un prototype de lampe à arc, devançant même d’autres régions du monde dans certaines avancées technologiques. Cependant, la logique coloniale extractive a freiné l’expansion des réseaux au profit de l’extraction des matières premières, laissant de vastes zones rurales dépourvues d’accès au réseau électrique.
Une urgence énergétique aux lourdes conséquences
Aujourd’hui, plus de 640 millions de personnes en Afrique sont privées d’électricité, ce qui génère des retards significatifs en termes de développement économique et de bien-être social. Le manque d’accès à une énergie fiable et abondante nuit à l’éducation, alourdit les conditions sanitaires et entrave les activités économiques quotidiennes.
L’utilisation généralisée des foyers à bois engendre chaque année de nombreux décès prématurés, tandis que des établissements de santé peinent à fonctionner de manière optimale. Cette dépendance aux sources d’énergie traditionnelles renforce les inégalités et alimente les cycles de pauvreté, accentuant encore davantage le fossé énergétique entre l’Afrique et le reste du monde.
Mission 300 : un projet novateur
Afin de pallier ces déficits, la Banque africaine de développement, dans le cadre de sa Mission 300, s’est engagée à un effort concerté afin de parvenir à l’électrification de 300 millions de personnes d’ici à 2030. En collaboration avec la Banque mondiale, cette initiative repose sur des ‘Pactes nationaux pour l’énergie’ établis par douze pays pionniers, qui détaillent les réformes indispensables et les investissements prioritaires.
La BAD projette de connecter 50 millions de personnes grâce à un alignement stratégique entre financements et politiques publiques, abordant ainsi l’urgence démographique et les projections économiques qui accentuent la demande énergétique du continent.
Projets phares et perspectives d’avenir
Des projets emblématiques voient le jour. En Égypte, le parc solaire de Benban, avec sa capacité de 1,5 GW, marque un jalon significatif vers l’objectif national en matière d’énergies renouvelables. Au Maroc, le complexe solaire Noor Ouarzazate illustre les ambitions continentales, éclairant plus de deux millions de foyers et réduisant considérablement les émissions de CO₂.
La BAD continue de piloter l’initiative Desert to Power, qui vise à déployer 10 GW de solaire dans 11 pays du Sahel, tout en renforçant des mécanismes de financement pour les projets d’énergie propre à petite échelle. Le lancement imminent de l’Indice de réglementation de l’électricité, couvrant 43 pays africains, s’inscrit dans cette dynamique, promettant d’orienter les réformes nécessaires pour attirer les investissements nécessaires dans le secteur énergétique.
Vers une nouvelle ère pour la jeunesse africaine
L’importance du Youth Energy Summit (YES!) parrainé par la BAD ne saurait être sous-estimée. Cet événement vise à unir plus de 4 000 jeunes professionnels dans l’innovation énergétique, transformant chaque nouveau raccordement électrique en « tremplin vers l’emploi et la croissance » pour les jeunes générations.
Dans cette perspective, la Mission 300 n’est pas seulement un projet d’infrastructure : elle incarne une vision pour l’avenir de l’Afrique, où énergie et dynamisme démographique s’allient pour façonner un développement durable et inclusif.