Un contexte sécuritaire volatil
La déclaration conjointe publiée le 7 août à Niamey intervient dans un environnement régional marqué par une instabilité tenace. Entre la porosité persistante des frontières et la résilience des groupes armés non étatiques, la bande sahélo-saharienne demeure l’un des épicentres de la menace terroriste continentale. Le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a salué « l’engagement constant des forces nigériennes dans la lutte contre le terrorisme », tout en rappelant que N’Djamena « s’est toujours tenue aux côtés de ses voisins lorsque l’équilibre du Sahel était en jeu ». Les deux chefs d’État entendent désormais mutualiser davantage le renseignement opérationnel et favoriser des patrouilles mixtes le long de la frontière commune, longue de près de 1 200 kilomètres.
Des convergences politiques assumées
Au-delà de la seule coopération militaire, l’entretien a mis en évidence la recherche d’une position concertée sur les grandes questions géopolitiques sahéliennes. Abdourahamane Tiani, qui conduit le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, et son homologue tchadien partagent la conviction que « les réponses sécuritaires doivent s’adosser à des solutions politiques inclusives ». Les diplomates nigériens présents à la table de discussion évoquent l’ouverture prochaine d’un « mécanisme de dialogue permanent » entre ministères des Affaires étrangères, chargé d’harmoniser les démarches des deux pays au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et sous l’égide de l’Union africaine.
Le pari d’une intégration économique
La dimension économique du nouveau partenariat se veut tout aussi structurante. Niamey et N’Djamena ont acté la création d’un comité bilatéral chargé de réhabiliter la route transsaharienne qui relie Agadez à Abéché, artère cruciale pour la circulation des céréales, du bétail et, de plus en plus, des hydrocarbures. Parallèlement, la Société nationale des hydrocarbures du Tchad et la Société nigérienne du pétrole étudient la possibilité d’interconnexions d’oléoducs existants afin d’optimiser l’exportation vers le terminal béninois de Sèmè-Kpodji. Pour l’économiste Moussa Oumar, consulté à N’Djamena, « l’approche est pragmatique : les deux États misent sur les infrastructures pour créer les conditions d’une croissance mutuelle, tout en répondant au défi urgent de l’emploi des jeunes ».
Commerce transfrontalier : fluidifier et sécuriser
Les autorités entendent également abaisser les barrières tarifaires qui entravent encore les échanges de produits agro-pastoraux. La Zone de libre-échange continentale africaine offre un cadre, mais requiert, selon un responsable de la Chambre de commerce nigérienne, « des aménagements douaniers compatibles avec les réalités des corridors sahéliens ». Les postes frontaliers de Nguel Kéléoua et de Daboua devraient être modernisés grâce à un financement conjoint avec la Banque africaine de développement, tandis que des guichets uniques électroniques seront expérimentés pour réduire les délais de transit.
Impacts régionaux et perspectives
L’affirmation de cet axe Niamey–N’Djamena intervient au moment où les États côtiers, du Bénin au Sénégal, cherchent à redéfinir leurs partenariats sécuritaires. Les chancelleries occidentales, tout en saluant l’initiative, observent l’évolution de la gouvernance militaire à Niamey, notamment dans la perspective de futures opérations antiterroristes conjointes. Pour le Centre d’études stratégiques de Dakar, « la crédibilité du tandem dépendra de sa capacité à articuler lutte contre l’extrémisme et développement socio-économique ». Dans les mois à venir, une session du comité mixte est annoncée à N’Djamena pour évaluer l’avancement des chantiers. À court terme, les diplomates des deux pays misent sur la diplomatie économique pour attirer capitaux et partenariats, alors qu’un sommet tripartite avec le Cameroun est déjà envisagé.
