Ce qu’il faut retenir
La controverse est née d’une série de tribunes relayées par des élus conservateurs américains, accusant Abuja de fermer les yeux sur un « massacre de masse » de chrétiens. Le gouvernement nigérian dénonce une instrumentalisation politique et rappelle la complexité d’un conflit où les victimes se recrutent aussi parmi les musulmans.
Washington-Abuja : une joute sémantique chargée
Le département d’État classe déjà le Nigeria parmi les pays “sous surveillance” pour atteintes à la liberté religieuse. Mais la qualification de « génocide », martelée par certains think tanks évangéliques, a franchi un seuil symbolique. Selon le porte-parole présidentiel Garba Shehu, « les labels simplistes menacent notre cohésion nationale ».
Chiffres contrastés, terrain fragmenté
Les données de l’ONG nigériane SB Morgen décomptent 4 000 civils tués en 2023, dont 55 % chrétiens et 42 % musulmans. Human Rights Watch avance des proportions différentes. L’absence de registre officiel alimente la spéculation, tandis que la violence mêle banditisme rural, conflits fonciers et rivalités confessionnelles.
Contexte historique des tensions religieuses
Depuis les émeutes de Kaduna en 2000, chaque pic de violence relance le débat sur la Sharia dans le nord. La Constitution fédérale garantit pourtant la liberté de culte. L’arrivée au pouvoir de Bola Tinubu, ticket musulman-musulman, nourrit les critiques, mais le président se dit « déterminé à protéger chaque croyant ».
Le point juridique
Pour que l’accusation de génocide prospère devant une juridiction internationale, il faut démontrer l’intention d’exterminer un groupe religieux en tant que tel. Les juristes du Centre africain d’études du droit soutiennent qu’aucun document gouvernemental nigérian n’indique une telle volonté, rendant le qualificatif juridiquement fragile.
Scénarios sécuritaires possibles
Premier scénario : Abuja renforce sa Task Force inter-confessionnelle et limite la propagation des violences rurales. Deuxième : le Congrès américain adopte des sanctions ciblées, refroidissant la coopération militaire contre Boko Haram. Troisième : une médiation de l’Union africaine ouvre un chantier de réconciliation inclusive.
Est du Congo : résonances régionales
Au même moment, le président congolais Félix Tshisekedi exige de Kigali qu’il cesse tout soutien présumé au M23. Le Rwanda réplique que « le ballon est dans le camp de Kinshasa ». Les diplomates de la CEEAC redoutent un engrenage, rappelant que les flux d’armes circulent aussi via le Nigéria voisin.
La voix de Kigali
« Nous avons respecté les feuilles de route de Luanda et de Nairobi », assure le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta. Il accuse Kinshasa de tarder à désarmer les FDLR hutus, adversaires historiques du Rwanda. Pour l’instant, aucun retrait formel du M23 n’a été confirmé sur le terrain.
Kinshasa sous pression
Les Nations unies dénombrent plus de 600 000 déplacés depuis la reprise des combats près de Goma. L’économie locale souffre : le corridor routier vers Kampala est coupé, renchérissant les prix des denrées dans toute la région des Grands Lacs. Les exportateurs congolais de coltan plaident pour une protection accrue des routes minières.
Le point éco
L’insécurité à l’est de la RD Congo coûte environ 2 % de PIB par an, selon la Banque africaine de développement. Une stabilisation allégerait la pression sur le naira nigérian, car Lagos importe du cobalt congolais pour ses usines de batteries émergentes. La boucle logistique se ferme ainsi entre Abuja et Goma.
Diplomatie culturelle à Londres
Loin des champs de bataille, la Tate Modern met à l’honneur les modernistes nigérians, de Ben Enwonwu à Uche Okeke. Le commissaire Osei Bonsu voit dans cette exposition « une célébration de la créativité post-indépendance, inspirante pour une jeunesse parfois découragée par les crises sécuritaires ».
Contexte artistique
L’exhumation d’œuvres prêtées par l’Université d’Ibadan rappelle que l’art fut un vecteur d’unité nationale lors de la guerre du Biafra. Le marché global de l’art africain, évalué à 2 milliards de dollars, pourrait croître de 20 % si la stabilité politique se confirme, estime le cabinet ArtTactic.
Perspectives pour les investisseurs
Malgré la controverse, le Nigeria reste la première économie du continent. Les fonds souverains du Golfe explorent un partenariat pour financer des fermes solaires dans le nord, gage d’emplois et de réduction des tensions foncières. L’Agence nigériane de promotion des investissements promet un guichet unique d’ici fin 2024.
Et après ?
La Commission africaine des droits de l’homme prépare une mission conjointe au Nigeria et en RD Congo pour cartographier les violences. Abuja, qui coopère, espère tourner la page des soupçons génocidaires. Kinshasa table sur un sommet tripartite avec Kigali et Luanda pour relancer le désengagement du M23.
Le rôle des diasporas
Les diasporas nigériane et congolaise, fortes de 6 millions de personnes, lancent des campagnes de financement participatif pour les déplacés. Sur X, le hashtag #AfricanLivesMatter relie crises sécuritaires et reconnaissance culturelle, illustrant la porosité entre militance numérique et diplomatie citoyenne.
Avis d’expert
Pour la politologue camerounaise Marie-Clarisse Tchamkou, « la surexposition médiatique d’un seul récit confessionnel masque la diversité des violences et peut freiner les résolutions locales ». Elle plaide pour « un dialogue communautaire financé autant que les opérations militaires ».
Regard congolais
À Brazzaville, observateurs et partenaires saluent les efforts diplomatiques régionaux et soulignent l’importance de maintenir un climat de coopération pour préserver la stabilité du bassin du Congo, essentielle au commerce, à la sécurité transfrontalière et à la préservation des grands massifs forestiers.