Ce qu’il faut retenir
Octobre Rose a encore pris des accents vibrants à Brazzaville : la fondation Tabita Allegresse a réuni experts, artistes et responsables publics pour deux journées dédiées à la prévention des cancers du sein et du col de l’utérus, rappelant l’urgence d’un dépistage précoce chez les femmes.
Une menace grandissante pour les Congolaises
Au Congo, le cancer est la deuxième cause de mortalité chez les femmes après les complications maternelles, selon le Programme national de lutte contre le cancer, et près de neuf diagnostics sur dix arrivent à un stade déjà métastasé, faute d’examens réguliers et d’informations adaptées.
Les facteurs de risque identifiés combinent urbanisation rapide, alimentation riche en sucres et en graisses, faible pratique sportive, alcoolisme et tabagisme, alors que les plateaux techniques d’oncologie restent concentrés à Brazzaville et Pointe-Noire, compliquant l’accès aux soins pour les femmes des districts ruraux.
Au mémorial Savorgnan, deux jours d’énergie rose
Face à ce constat, la présidente de la fondation, Lydie Léonce Ndongo Boronse, a voulu transformer le traumatisme familial de 2017 en moteur collectif : « Plus aucune mère ne doit être arrachée à ses enfants par ignorance ou retard de prise en charge », a-t-elle martelé à l’ouverture.
Autour d’elle, la directrice du mémorial, Belinda Ayessa, a replacé Octobre Rose dans « une pédagogie de la vie ». Sa citation de Levinas sur la responsabilité envers autrui a donné le ton d’un échange scientifique, artistique et citoyen, célébré par la performance d’un jeune slameur ambassadeur du PNLC.
Durant les master-classes, des oncologues ont expliqué l’auto-palpation, les calendriers de dépistage à partir de 30 ans et l’intérêt du vaccin HPV pour les adolescentes. Des démonstrations pratiques ont convaincu des participantes venues de Talangaï, Moungali ou Makélékélé de prendre rendez-vous dans la semaine.
Le rôle clé des institutions partenaires
Le représentant de l’OMS, Mpassi Loemba, a salué la constance de la politique sanitaire congolaise, citant la gratuité du vaccin HPV dans plusieurs districts et l’extension du registre des cancers. « Nous sommes prêts à accentuer l’appui technique aux côtés du ministère de la Santé », a-t-il affirmé.
Le conseiller du ministre, François Libama, a rappelé que le cancer figure désormais dans le Plan national de développement sanitaire 2023-2027, avec la perspective d’un comité interministériel chargé de coordonner prévention, dépistage et prise en charge, afin de réduire de 25 % la mortalité féminine non transmissible.
Le point médical : dépistage et prise en charge
Le Pr Judith Nsondé Malanda, directrice du PNLC, plaide pour une unité de radiothérapie publique à Brazzaville, la première du pays. Elle insiste sur la tranche budgétaire nécessaire : « Avec un milliard de francs CFA, nous pourrions traiter 1 500 patientes chaque année et former de nouveaux techniciens ».
Selon les données du registre hospitalier, le sein représente 35 % des cancers diagnostiqués chez la femme en 2024, suivi du col utérin à 21 %. Or, un dépistage effectué avant le stade II porte le taux de survie à cinq ans à plus de 80 %.
Scénarios d’avenir pour la stratégie nationale
Pour rapprocher le service, la FTA envisage des cliniques mobiles qui tourneraient dans les quartiers périphériques. Un projet pilote, cofinancé par une société pétrolière, devrait démarrer à Kintélé dès février 2026 après validation des protocoles par le ministère et l’agence de radioprotection.
Plus largement, les experts présents proposent de coupler systématiquement la sensibilisation au micro-entreprenariat féminin, afin que chaque séance devienne aussi un temps d’information économique, encourageant l’autonomie et la régularité des contrôles de santé des bénéficiaires.
La FTA compte publier en mars un baromètre de la perception du cancer chez les Congolaises. Les premiers sondages révèlent que 62 % craignent le diagnostic plus que la maladie, d’où l’importance, souligne la psychologue Mireille Okemba, de messages positifs centrés sur la guérison et la solidarité familiale.
Si la dynamique actuelle se confirme, les autorités espèrent ramener d’ici 2030 le taux de mortalité par cancer du sein à 20 pour 100 000, contre 35 aujourd’hui, grâce à la triple combinaison dépistage-formation-plateaux techniques, soutenue par des partenariats public-privé.
Et après ? Mobiliser la société entière
Les organisateurs ont conclu les rencontres par une marche symbolique sur le boulevard Alfred Raoul, où rubans roses et affiches multicolores ont rappelé que la lutte se mène aussi dans la rue, à l’école, dans les médias, et jusque dans les conversations familiales du dimanche.
Dans l’auditorium désormais vide, se lisait encore sur les panneaux lumineux la devise de la FTA : « Espoir, Science, Empathie ». Trois mots qui résonnent comme un programme collectif, appelé à irriguer les politiques publiques pour que le cancer ne soit plus un verdict mais un combat gagné.
La prochaine étape sera le lancement d’un Mois Bleu dédié aux cancers masculins, confirmant la volonté nationale d’étendre la prévention à toute la population et de bâtir, sur la base des partenariats solides de ces journées, une véritable culture congolaise du dépistage.
