Ce qu’il faut retenir
Durant cinq jours, Brazzaville devient la plaque tournante de la stratégie sanitaire africaine: 47 chefs de bureau de l’OMS étudient, avec les autorités congolaises, comment mobiliser plus de moyens, accélérer la couverture sanitaire universelle et soutenir la production locale de médicaments.
Brazzaville accueille la 65e réunion OMS Afrique
Ouverte le 9 octobre, la 65e réunion régionale de gestion des programmes de l’OMS pour l’Afrique s’inscrit dans une démarche nouvelle : placer le bureau régional comme chef de file stratégique afin d’offrir des réponses harmonisées aux défis sanitaires du continent.
La capitale congolaise, qui abrite déjà le siège régional de l’organisation, confirme ainsi son rôle pivot. Les discussions rassemblent des équipes pluridisciplinaires, du suivi des épidémies au financement, en passant par l’intégration des innovations numériques et la qualité des données.
Présent à la cérémonie, le professeur Mohamed Jakub Janabi, directeur régional de l’OMS, a salué « l’engagement constant du Congo pour une Afrique en meilleure santé », rappelant que la réussite des objectifs 2030 exige une coopération étroite entre gouvernements, partenaires techniques et communautés.
Priorités sanitaires : choléra, Ebola et maladies chroniques
Les experts se sont d’abord penchés sur le choléra, qui réapparaît cycliquement dans plusieurs bassins fluviaux. L’enjeu est d’étendre les systèmes de surveillance et d’approvisionnement en eau potable, tout en sécurisant des stocks de vaccins pour contenir rapidement les flambées.
La lutte contre Ebola demeure prioritaire. Les délégations ont évalué les leçons tirées des réponses menées en RDC et en Ouganda : renforcement des laboratoires, formations ciblées pour les personnels de première ligne et décloisonnement des informations entre provinces frontalières.
Parallèlement, la transition épidémiologique augmente la charge des maladies non transmissibles, notamment diabète et hypertension. Les participants plaident pour des stratégies intégrant prévention, dépistage précoce et accès aux traitements génériques, afin d’éviter que ces affections ne grèvent durablement les budgets nationaux.
Le plaidoyer congolais pour des ressources adaptées
Au nom du gouvernement, le ministre Jean Rosaire Ibara a rappelé que « l’amélioration durable des performances » passe d’abord par des financements pérennes. Il a invité l’OMS à soutenir des mécanismes innovants qui combinent budgets publics, assurances sociales et partenariats avec le secteur privé.
Le ministre a souligné la nécessité d’appuyer le bureau pays de Brazzaville afin de transformer les engagements régionaux en résultats tangibles : recrutement d’experts spécialisés, mobilité intra-africaine des équipes et mutualisation de laboratoires de référence pour limiter les doublons budgétaires.
L’argument a trouvé un écho favorable. D’après le Dr Benido Empouma, responsable de la promotion de la santé au bureau régional, l’objectif est de faire du Congo « une vitrine opérationnelle où les meilleures pratiques seront testées puis déployées, du Sahel aux Mascareignes ».
Production locale et numérisation de la santé
La rencontre a consacré une session entière à la fabrication africaine de médicaments et vaccins. Le Congo souhaite rejoindre le réseau des plateformes régionales soutenues par l’OMS et l’Union africaine, afin de réduire la dépendance aux importations et d’améliorer la résilience face aux ruptures.
Brazzaville mise aussi sur le numérique. Le projet national de dossier médical électronique, déjà pilote dans trois hôpitaux, pourrait s’étendre grâce à un appui technique de l’OMS. Objectif : centraliser les données, soutenir la télémédecine et fournir des indicateurs en temps réel aux décideurs.
Les spécialistes des données insistent néanmoins sur la protection des informations sensibles et l’interopérabilité des plateformes. « La souveraineté numérique est aussi une question de santé publique », affirme un ingénieur congolais associé au projet, soulignant la complémentarité entre cybersécurité et surveillance épidémiologique.
Vers une couverture sanitaire universelle inclusive
La réunion a rappelé que seule une couverture sanitaire universelle robuste peut garantir l’accès équitable aux soins. Le Congo souhaite intégrer pleinement ce programme phare de l’OMS et partager ses progrès dans la mutualisation communautaire et la vulgarisation de l’assurance maladie obligatoire.
Des ateliers ont détaillé les passerelles possibles entre filets sociaux et mécanismes d’assurance santé. L’objectif est de protéger les plus vulnérables des dépenses catastrophiques tout en élargissant la base contributive, grâce à la formalisation progressive de l’économie et à la digitalisation des paiements.
Les participants ont salué les synergies naissantes avec d’autres partenaires, notamment la Banque africaine de développement et l’UNICEF, pour financer infrastructures, formations et chaînes d’approvisionnement. L’idée d’un mécanisme financier régional commun, inspiré du Fonds mondial, a été évoquée sans calendrier précis.
Et après ? Agenda et perspectives régionales
Un plan d’action 2024-2025 devrait être finalisé d’ici décembre. Il fixera des indicateurs trimestriels assortis de revues indépendantes. Brazzaville accueillera une plateforme de suivi qui, dès janvier, compilera les progrès réalisés par chaque bureau pays et guidera d’éventuels réajustements techniques.
En clôturant les travaux, le professeur Ibara a souligné que l’expérience congolaise pourrait « servir de tremplin à une diplomatie sanitaire africaine plus intégrée ». Les délégués ont quitté Brazzaville avec un consensus : transformer les engagements pris en solutions concrètes dès le premier trimestre 2024.
Une première évaluation retournera en juin : mesurer les progrès, partager les innovations testées et réajuster les budgets selon les données recueillies.
