Ce qu’il faut retenir de l’entretien Bruxelles
À Bruxelles, en marge du Global Gateway Forum du 9 octobre, le président congolais Félix Tshisekedi a reçu Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique du chef d’État américain Donald Trump, à huis clos dans un salon, pour faire le point sur le processus de paix engagé à Doha.
L’entretien a confirmé la volonté partagée de transformer les avancées diplomatiques déjà engrangées en résultats concrets sur le terrain dans l’Est de la RDC, alors que la région espère voir s’ouvrir, sous peu, une nouvelle séquence de discussions directes entre les parties armées.
Le Global Gateway Forum, vitrine de la stratégie européenne pour des investissements durables, a offert à Kinshasa l’opportunité de diversifier ses partenariats. En se plaçant au cœur de cette initiative, la RDC cherche à équilibrer les influences et à obtenir des financements compétitifs pour ses grands chantiers.
Processus de Doha: calendrier et enjeux sécuritaires
Le processus de Doha, piloté par le Qatar avec un accompagnement américain, avait franchi une étape clef le 12 juillet 2025 lorsque les délégations ont signé une Déclaration de principes, posant les bases d’un cessez-le-feu durable et d’une démobilisation progressive.
La dynamique a été brutalement ralentie par l’attaque du 11 septembre contre la capitale qatarie, provoquant une suspension provisoire des pourparlers. Selon Massad Boulos, les négociateurs doivent toutefois reprendre le chemin de la table dès le début de la semaine prochaine.
Kinshasa se montre confiant : « les choses prennent du temps, mais avancent », a insisté l’émissaire américain, soulignant que le caractère inclusif du dialogue reste l’argument le plus solide pour garantir l’adhésion des groupes armés et des communautés locales.
Washington mise sur la souveraineté congolaise
Au-delà de la facilitation qatarie, Washington affiche sa détermination à soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC, deux lignes rouges réaffirmées par Boulos lors de la rencontre et déjà reprises dans plusieurs communiqués officiels récents.
Concrètement, les États-Unis mobilisent une expertise technique, notamment en matière de suivi des cessez-le-feu, de réintégration des combattants et de sécurisation des couloirs humanitaires. Des spécialistes américains sont déjà positionnés à Doha pour apporter des analyses en temps réel aux médiateurs.
Ce choix d’un appui surtout technique évite tout soupçon d’ingérence. Il permet aussi à Kinshasa de conserver la main politique sur le processus, tout en bénéficiant d’outils de vérification objectifs indispensables pour rassurer la population et les futurs investisseurs.
La paix des braves: message de Kinshasa à Kigali
Lors de son entretien, Félix Tshisekedi a renouvelé son invitation à son homologue rwandais à conclure une « paix des braves » et à mettre fin à l’escalade verbale et militaire qui alimente les tensions frontalières et complique la réussite des pourparlers.
Massad Boulos y voit un signal encourageant : « Un geste noble que tout le monde apprécie », a-t-il déclaré, notant qu’un climat apaisé entre Kinshasa et Kigali augmenterait mécaniquement la crédibilité du processus de Doha et renforcerait la diplomatie préventive régionale.
Au-delà de la sécurité: portefeuille d’investissements américains
Diplomatie et économie demeurent étroitement liées. L’envoyé américain a plaidé pour une « coopération gagnant-gagnant » et annoncé le lobbying déjà engagé auprès des fonds d’investissement américains désireux d’entrer sur les marchés congolais, notamment les mines, l’énergie, les infrastructures et la technologie.
Le calendrier d’investissement dépendra largement de la sécurisation de l’Est. Les entreprises, séduites par le potentiel minier, attendent des garanties claires. Boulos affirme qu’un corridor de stabilité consolidera à la fois les revenus publics et l’offre en emplois qualifiés.
À Bruxelles, Tshisekedi a présenté les réformes minières et douanières récentes, mettant en avant la transparence et la digitalisation des procédures. Ces signaux réforment le climat des affaires et pourraient catalyser l’arrivée d’acteurs américains souvent encore prudents sur le marché congolais.
Et après ? Scénarios pour la sous-région
À court terme, la reprise des discussions à Doha déterminera l’agenda sécuritaire. Un accord de cessation des hostilités ouvrirait aussitôt la voie au déploiement d’observateurs et au retour progressif des déplacés, évalués par les agences humanitaires à plus de six millions.
À moyen terme, une stabilisation durable de l’Est renforcerait l’intégration économique sous-régionale, profitant notamment au Congo-Brazzaville, qui verrait s’élargir les corridors logistiques entre le fleuve et les Grands Lacs, élément stratégique pour la Zone de libre-échange continentale.
Enfin, sur le long cours, la diplomatie préventive pourrait servir de modèle pour d’autres foyers de tension africains, confirmant l’importance de mécanismes régionaux appuyés par des partenariats équilibrés avec les grandes puissances, sans compromettre la souveraineté des États concernés.
