Ce qu’il faut retenir
La mise en service du Réseau pour la recherche sur la transition énergétique en Afrique centrale (ReTEAC), lancée à Brazzaville, installe le Congo au cœur d’une collaboration scientifique appelée à accélérer l’accès à l’électricité verte pour les vingt millions de citadins encore sous-desservis.
Un nouveau réseau scientifique régional
Sous le haut patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, le ReTEAC a officiellement vu le jour le 3 novembre, réunissant à Brazzaville des recteurs et directeurs de laboratoires venus de dix pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
La plateforme entend structurer, partager et mutualiser des bases de données, des équipements de pointe et des programmes de formation, afin de catalyser l’innovation sur le solaire, l’hydro, la biomasse ou l’hydrogène vert, technologies jugées décisives pour la neutralité carbone continentale.
Le rôle stratégique du Centre d’excellence d’Oyo
Désigné institution hôte, le Centre d’excellence d’Oyo, implanté dans la Cuvette, s’appuie sur ses laboratoires d’ingénierie et son incubateur pour piloter les premiers projets, allant du micro-réseau rural à la modélisation numérique de la demande, en lien avec les universités partenaires.
« Ce hub d’innovation positionne notre pays comme épicentre scientifique de la sous-région », a souligné le chef du gouvernement, rappelant que l’initiative prolonge la vision portée par le président Denis Sassou Nguesso de conjuguer croissance, climat et inclusion.
Un financement européen et multilatéral
L’Union européenne assure le financement initial, estimé à 12 millions d’euros, via son Programme de promotion des énergies renouvelables et de l’électrification rurale, tandis que l’ONUDI et le Centre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de l’Afrique centrale fourniront expertise et suivi.
Cette architecture financière conjointe est censée garantir la pérennité du réseau au-delà des cycles de projets et éviter l’écueil des initiatives éphémères, souvent pointé par les bailleurs face aux défis d’appropriation locale.
Contexte : inégalités d’accès à l’électricité
Selon la Banque africaine de développement, seuls 32 % des habitants d’Afrique centrale disposent d’un accès fiable à l’électricité, avec des écarts criants entre capitales et zones enclavées, où les ménages s’éclairent encore à la lampe à pétrole.
Le Congo partage ce diagnostic mais mise sur une croissance annuelle du parc renouvelable de 10 % pour réduire la facture énergétique des petites entreprises, frein majeur à la diversification industrielle selon la Chambre de commerce de Brazzaville.
Le point économique
L’intégration de solutions solaires et mini-hydro dans les corridors logistiques devrait baisser les coûts de transport de 7 % d’ici cinq ans, d’après une note du ministère de l’Économie, ce qui renforcerait la compétitivité des exportations de bois transformé et d’agro-produits.
La création du ReTEAC ouvre également des débouchés pour les startups congolaises, susceptibles de tester des prototypes au sein du réseau avant un déploiement commercial, avantage déterminant pour attirer capital-risque et emplois qualifiés.
Scénarios : à quoi s’attendre d’ici 2030
Le scénario central, détaillé dans la feuille de route, table sur une capacité additionnelle de 1 000 MW renouvelables partagés entre solaire, hydro et biomasse dans la sous-région, dont 250 MW localisés au Congo, suffisamment pour alimenter deux cents mille foyers.
Un scénario ambitieux, assorti d’investissements supplémentaires, viserait 1 500 MW et la création de 40 000 emplois directs, selon le CEREEAC, mais suppose une harmonisation accrue des régulations tarifaires et un renforcement des interconnexions de transport d’énergie.
Et après ? Les prochains jalons
La prochaine étape consistera à déployer une plateforme de données ouvertes–cartes du potentiel solaire, inventaires forestiers, relevés de vent–accessible aux chercheurs et aux entreprises, outil que l’Union africaine suit avec intérêt pour en faire un modèle continental.
Un comité de pilotage trimestriel, coprésidé par le ministère congolais de la Recherche scientifique et le secrétariat de la CEEAC, validera les indicateurs d’impact et veillera à la diffusion des résultats vers les décideurs, gage d’une appropriation rapide des solutions testées.
Innovation technologique et formation
Le réseau prévoit la mise en place de bourses doctorales conjointes, destinées à former une centaine de jeunes chercheurs par an sur le stockage par batteries lithium-fer-phosphate, la maintenance de centrales hybrides et l’intelligence artificielle appliquée à la gestion de la demande.
Les sessions seront co-animées par des professeurs de l’Université Marien-Ngouabi et des ingénieurs européens, format mixte pensé pour limiter la fuite des compétences tout en créant des synergies avec les industriels locaux du solaire thermique et du biogaz.
Voix d’experts
Pour Marie-Christine Zimba, analyste énergie verte au cabinet ECCAS-Insights, « la force du ReTEAC réside dans sa gouvernance partagée, élément indispensable pour éviter qu’un seul pays ne capte tous les bénéfices, comme on l’a parfois vu dans les projets hydroélectriques transfrontaliers ».
De son côté, le chercheur camerounais Joseph Abessolo rappelle que la recherche appliquée doit s’accompagner d’incitations réglementaires, citant l’exemple réussi du tarif d’achat garanti de 90 FCFA/kWh au Rwanda qui a stimulé le solaire privé en moins de trois ans.
Dimension environnementale
Au-delà du kilowattheure, le ReTEAC vise une baisse de 1,2 million de tonnes de CO2 pour la sous-région, objectif aligné sur les contributions nationales soumises à la Convention climat avant la COP30.
