Ce qu’il faut retenir du sommet CEMAC
Réunis à Bangui les 9 et 10 septembre 2025, les six chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ont confié la présidence tournante au président congolais Denis Sassou-Nguesso.
Le passage de témoin, symbolisé par un drapeau jaune remis par Faustin-Archange Touadéra, ouvre une séquence diplomatique cruciale pour l’intégration sous-régionale et le renforcement de la solidarité économique.
Racines et enjeux d’une organisation stratégique
Née en 1994 de la transformation de l’Union douanière d’Afrique centrale, la CEMAC regroupe le Cameroun, le Congo, la Centrafrique, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad, partageant le franc CFA et une banque centrale commune.
Trois décennies plus tard, la sous-région concentre 54 millions d’habitants, d’abondantes ressources pétrolières, minières et forestières, mais affiche une croissance moyenne inférieure à 3 %, grevée par l’endettement et la volatilité des cours des matières premières.
Pour nombre d’investisseurs, le potentiel reste colossal si les barrières administratives tombent, si les réseaux routiers et numériques se raccordent et si la stabilité politique s’ancre durablement.
Une feuille de route placée sous le signe de l’intégration
Dans son allocution, Denis Sassou-Nguesso a rappelé « l’engagement panafricaniste et la volonté de libération économique » qui doivent guider son mandat, promettant une approche de concertation continue entre capitales.
Brazzaville, qui assure déjà la présidence de l’OPEP + pour l’Afrique, voit dans la CEMAC le levier d’une diversification post-pétrole, misant sur l’agro-industrie, les services et la finance verte.
La Commission CEMAC a reçu consigne d’accélérer l’application du passeport biométrique commun et la reconnaissance des cartes grises pour fluidifier les corridors Douala-Bangui, Pointe-Noire-Libreville et N’Djamena-Yaoundé.
Libre circulation, pièce maîtresse du marché commun
Selon la Beac, moins de 5 % des échanges commerciaux des pays membres s’effectuent entre voisins, un paradoxe que les chefs d’État veulent corriger en levant les visas pour les citoyens munis du passeport CEMAC dès 2026.
Un mécanisme de compensation des pertes douanières, financé par un prélèvement communautaire de solidarité, doit rassurer les trésors publics et éviter une concurrence fiscale déloyale.
Pour les transporteurs routiers basés à Garoua-Boulaï, interrogés en marge du sommet, la suppression des postes de contrôle multiples pourrait réduire de moitié le temps de transit d’un camion vers Bangui.
Défis macroéconomiques et gouvernance financière
La zone sort progressivement d’un programme triennal conclu avec le FMI en 2024, programme qui a stabilisé les réserves de change mais exigé des réformes budgétaires parfois impopulaires.
Les ministres des Finances ont été chargés d’élaborer un pacte de convergence actualisé, incluant un plafond de déficit à 3 % du PIB et un ratio dette-PIB maximal de 70 %.
Les analystes de la banque régionale BGFI soulignent que la crédibilité de ce pacte dépendra d’une transparence accrue, notamment sur les contrats miniers et les garanties souveraines.
Sécurité partagée et climat d’affaires
La persistance des groupes armés en Centrafrique et aux confins tchadiens rappelle que l’intégration ne se décide pas uniquement dans les chancelleries ; elle se construit aussi sur le terrain, où patrouilles conjointes et renseignements croisés gagnent en importance.
Le sommet a entériné la création d’un fonds de stabilisation de 100 millions de dollars destiné à sécuriser les routes commerciales et à soutenir les États touchés par les chocs climatiques.
Les chambres de commerce régionales saluent une initiative de nature à rassurer les assureurs et à réduire les primes sur les cargaisons traversant la forêt équatoriale, corridor vital pour le commerce intra-africain.
Et après ? Cap sur la diversification et la jeunesse
La présidence congolaise présentera en février un plan d’industrialisation basé sur la transformation locale des minerais et la formation de 30 000 jeunes aux métiers du numérique, afin de créer un million d’emplois dans l’espace CEMAC d’ici 2030.
En filigrane, l’objectif est d’inscrire la région comme hub énergétique et technologique du continent, tout en offrant aux populations un partage plus équitable des dividendes de la croissance.
« Nous voulons ouvrir un nouveau chapitre où l’Afrique centrale comptera davantage dans les chaînes de valeur mondiales », a conclu Denis Sassou-Nguesso sous les applaudissements du Palais de la Renaissance.