Ce qu’il faut retenir
In Luanda, le septième Forum UA-UE réunit quatre-vingts chefs d’État et responsables pour célébrer vingt-cinq ans d’un partenariat souvent proclamé « stratégique ». Paix, commerce, environnement et numérique composent le menu officiel, auquel s’ajoutent les épineux dossiers migratoires.
Pour Brazzaville, voisine attentive, le sommet représente un test grandeur nature du multilatéralisme africain et de la capacité de l’Europe à accompagner les priorités régionales. Les annonces attendues pourraient consolider les réformes économiques engagées par le gouvernement congolais, notamment sur les infrastructures vertes.
Contexte : 25 ans de partenariat
Depuis Le Caire en 2000, six forums ont cherché à convertir les déclarations d’intention en programmes concrets. L’initiative Global Gateway, dotée de 150 milliards d’euros, illustre cette volonté de passer de l’aide au co-investissement, en phase avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
L’Union européenne demeure le premier marché pour les exportations africaines, accueillant plus de 90 % des produits en franchise de droits. Avec 238,9 milliards d’euros de stocks d’IDE en 2023, l’Europe reste aussi un investisseur clef, loin devant l’Asie ou l’Amérique.
Cette densité économique confère à Bruxelles un levier diplomatique que les États africains souhaitent équilibrer. Les échanges à Luanda portent donc sur la gouvernance des projets, la localisation des chaînes de valeur et la protection des industries naissantes, particulièrement sensibles en Afrique centrale.
Une séquence multilatérale scrutée à Brazzaville
Brazzaville, siège de la CEEAC, observe avec intérêt la rhétorique du sommet sur la paix et la prospérité. Le président Denis Sassou Nguesso, artisan de la médiation en Centrafrique, a régulièrement plaidé pour un multilatéralisme effectif, fondé sur la solidarité et le respect mutuel.
Le Congo, riche de ses forêts et de son potentiel énergétique, voit dans l’agenda vert européen une opportunité d’attirer des financements climatiques. Le gouvernement prépare un pipeline de projets certifiés carbone, avancée complémentaire aux discussions sur la réforme du marché carbone mondial.
Paix et sécurité : convergences centre-africaines
Les débats sur la sécurité collective évoquent la lutte contre les groupes armés dans le Sahel et la région des Grands Lacs. Brazzaville insiste sur l’interopérabilité des forces régionales et la prévention des conflits communautaires, approche jugée plus durable que la seule réponse militaire.
L’UE finance déjà la Mission de l’Union africaine en Centrafrique. L’extension de ces partenariats au renseignement maritime sur le golfe de Guinée, où opèrent la marine congolaise et ses voisins, renforcerait la protection des couloirs pétroliers et la sécurisation des pêches artisanales.
Commerce et IDE : quelles retombées pour le Congo
La ratification de l’accord de partenariat économique UA-UE offre au Congo l’accès préférentiel à un marché de 450 millions de consommateurs. Les exportations de bois transformé et d’hydrocarbures propres pourraient en profiter, à condition d’améliorer la certification et la logistique portuaire.
Les autorités congolaises misent également sur le corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Ouesso-Bangui, relié au port en eau profonde atlantique, pour devenir un hub régional. Le sommet discute de financements mixtes qui couvriraient les tronçons ferroviaires verts et la digitalisation des postes douaniers.
Dans un rapport diffusé avant le forum, la Commission européenne cite la zone économique spéciale de Maloukou comme exemple de plateforme industrielle pouvant bénéficier d’un co-financement de Global Gateway. Des consultations sont en cours pour arrimer cette zone au réseau d’hydrogène propre.
Gestion des migrations : la voie du dialogue
Le sujet migratoire reste sensible. Brazzaville privilégie une approche fondée sur la mobilité professionnelle, la formation et la réintégration locale des jeunes. Une délégation congolaise défend à Luanda la création de centres d’excellence régionaux pour les métiers du numérique et de l’agro-industrie.
Si certains États européens brandissent la conditionnalité des visas, le Congo rappelle l’importance de la co-responsabilité. « Les retours doivent s’accompagner d’opportunités sur place », insiste un diplomate. Des programmes pilotes de capital-amorçage pour les diasporas figurent dans le projet de déclaration finale.
Scénarios : du discours aux projets concrets
Trois scénarios circulent dans les couloirs du forum. Le premier, minimaliste, reconduirait les engagements financiers sans nouvelle gouvernance, au risque d’émousser la dynamique. Le deuxième, qualifié de pragmatique, instaurerait des comités de suivi par bassin régional, dont l’Afrique centrale.
Le troisième, plus ambitieux, propose un guichet unique Afrique-Europe pour l’énergie propre, adossé à la Banque africaine de développement. Brazzaville pousserait alors ses projets hydroélectriques et de biomasse, alignés sur ses objectifs de réduction d’émissions soumis à la COP.
Et après ? Vers un agenda sous-régional
Au retour de Luanda, une réunion des ministres de la CEEAC est annoncée à Brazzaville. Objectif : articuler les résolutions du forum avec la Stratégie de développement communautaire 2025-2035. Les secrétariats techniques ébauchent déjà une feuille de route climat-infrastructures-numérique.
En coulisse, certains évoquent la tenue d’un futur sommet CEMAC-UE en 2026. Pour l’heure, la priorité de Brazzaville reste de transformer l’élan diplomatique en emplois, en compétences et en recettes fiscales. « La prospérité est le meilleur rempart pour la paix », conclut un conseiller.
